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des titres. Nous en donnerons bientôt des exemples.

Les rois de la Finance dédaignent sans doute de répandre de faux bruits à la Bourse. La possession à l’avance des nouvelles politiques importantes par suite de la nécessité où, dans les pays obéres, les hommes d’État sont de combiner avec eux certaines opérations gouvernementales, leur met à une heure donnée le marché absolument dans la main. Le 18 juin 1815, Nathan-Mayer Rothschild était à Waterloo, dans l’état-major de Wellington ; dès que la bataille fut dessinée, il court à bride abattue à Ostende ; il traverse le détroit à prix d’or et au péril de sa vie ; le lendemain, il était au Stock-Exchange appuyé à son pilier ordinaire, l’air abattu. On ne connaissait encore que la journée du 16, où Blucher avait été battu à Ligny. Son aspect sombre, les ventes qu’il fait faire par ses courtiers ordinaires précipitent encore les cours. Pendant ce temps, il faisait faire par des agents secrets des achats énormes de consolidés et il réalisa des millions, quand, quelques heures après, la grande nouvelle éclata.

Si l’on étudiait à fond l’histoire contemporaine, on y trouverait bien des faits de ce genre. La Bourse de Paris n’a pas encore oublié le coup de la conversion en 1883.

Aux États-Unis, c’est par la force brutale des millions que les rois des chemins de fer opèrent leurs grandes razzias. En septembre 1873, quand le régime du papier-monnaie marchait vers sa fin et que le papier prenait graduellement de plus en plus de valeur, Jay Gould, sachant que le Trésor allait vendre de l’or, le prévint par une manœuvre hardie. Au moyen d’achats énormes de métal, il fit en quelques jours monter l’or de 140 à 160, ce qui précipita la baisse du papier et de toutes les valeurs. A New-York seulement, vingt-sept maisons de banque de premier ordre suspendirent leurs paiements, entraînant la faillite d’innombrables maisons de commerce. Quand le gouvernement vint au secours du marché, en faisant mettre par le Trésor 40 millions de dollars à la disposition des banques nationales pour qu’elles pussent continuer à faire des avances sur titres, Jay Gould avait déjà