Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/397

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’est d’ailleurs possible que pour les très gros spéculateurs. Ceux-là seuls peuvent s’engager dans ce sens, qui ont d’assez grands capitaux pour pouvoir attendre leur jour. Puis ils sont seuls à opérer. Le public n’est jamais de leur côté. Dès que la baisse se dessine, il s’enfuit et se gare. Quand il reparaît, c’est pour se mettre à la hausse, à la suite de quelque spéculateur plus hardi qui reprend le mouvement. En attendant, il n’a pas assez de malédictions pour ceux qui ont soufflé sur le château de cartes. Ces malédictions, il faut le dire, sont souvent justifiées, parce que les spéculateurs à la baisse ne se bornent pas à profiter de la légitime réaction de la cote, mais l’exagèrent, soit en propageant la panique, soit en multipliant au début les ventes à découvert qui précipitent les cours.

Les périodes de baisse sont l’occasion de grandes fortunes pour la Haute-Banque. Elle empoche de larges différences, tant qu’elle trouve des contre-parties ; puis, quand le champ du combat est désert, elle emmagasine dans ses coffres des titres acquis à bon marché et qu’elle revendra plus tard avec bénéfice, quand la hausse se reproduira de nouveau. Elle recommence, en effet, ne fût-ce que par l’action des causes générales qui tendent à faire hausser constamment le taux de capitalisation des bonnes valeurs. Ces causes sont toujours en action dans une société en voie de progrès matériel comme la nôtre. Leur influence se fait sentir non sans quelques irrégularités, et les gens avisés profitent des légers reculs qui peuvent se produire, pour acheter des valeurs de premier ordre, sûrs que le flux les reprendra et les reportera en avant[1].

XV. — Les périodes de calme où la Bourse n’a point d’histoire, et qui sont peut-être les plus heureuses pour le public, ne durent pas toujours. Il y a en effet un élément avec lequel il faut compter, celui de ces puissants spéculateurs qu’on appelle les hauts barons ou les rois de la Finance, et

  1. V., sur cette philosophie de la Bourse, Arthur Crump, the Theory of Stock Exchange speculation, pp. 6, 23, 85-86, 95.