Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/396

Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes les valeurs tendent à s’élever peu à peu, ne fût-ce que par la baisse continue du taux de l’intérêt. Chaque liquidation est pour les spéculateurs à la hausse l’occasion de bénéfices. Le nombre des gens qui s’engagent en ce sens est considérable ; car le public est avec eux. Les capitalistes, qui forment la contre-partie des spéculateurs, n’achètent que quand les fonds sont en hausse, et, chose étonnante, ils achètent d’autant plus volontiers qu’ils paient plus cher. Dans cette disposition d’esprit du public, il est très facile à un syndicat de surexciter la hausse d’une valeur sur laquelle on fait miroiter de grandes espérances. Une fois lancée, elle entraîne le reste de la cote. Le public va alors de lui-même et maintient la hausse assez pour donner le temps à ceux qui l’ont mise en train de réaliser leurs bénéfices et de se tenir prêts à opérer en sens inverse. La hausse à la Bourse étant associée à une idée de prospérité générale, ceux qui ont inauguré le mouvement sont vus avec faveur par le public, quoiqu’en fait ils préparent souvent sa ruine.

Le spéculateur à la baisse remplit un rôle également nécessaire, quoique moins sympathique, en rappelant incessamment la Bourse à des appréciations plus modérées. Son jour arrive inévitablement ; car, indépendamment des événements, qui, comme la faillite de la République argentine ou la révolution du Brésil, ruinent le crédit d’un État, un ensemble de cours exagérés, ainsi qu’il s’en produit après une longue période de hausse, entraîne brusquement une chute des cours. Le moindre incident la détermine. La chute est toujours plus rapide que la hausse. La hausse peut durer des années en gagnant tout au plus à chaque liquidation un point ou un demi-point, souvent même en regagnant seulement les coupons détachés un peu plus rapidement que ne le comporte le calcul des intérêts. Au contraire, une baisse de cinq points se produit fréquemment dans une seule Bourse.

Les profits des spéculateurs à la baisse sont donc beaucoup plus grands que ceux des spéculateurs à la hausse : mais ils se produisent plus rarement. Une pareille position