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les complices de bas étage des manœuvres par lesquelles ceux-ci gagnent à coup sûr.

Indépendamment de ces considérations d’ordre moral, au point de vue général, les joueurs qui ne règlent jamais leurs achats que par des différences, qui n’apportent pas de capitaux et n’emmagasinent pas de titres comme les marchands de profession, ne sont pas pour le marché un facteur tendant à produire l’équilibre. Tout ce qu’on peut dire à leur décharge, c’est qu’ils n’influent pas réellement sur les cours. M. Alph. Courtois l’a établi par une savante analyse des différentes opérations à terme. Mollien le disait déjà : « Ils sont comme des gens qui dans une maison de jeu ne sont pas en état de faire les fonds des parties et qui se bornent à parier sur la mise des joueurs assis autour du tapis vert : on ne saurait attribuer à leurs paris quelque influence sur l’événement des parties[1]. »

Néanmoins la pratique usuelle de ces opérations aléatoires, la disproportion des gains ou des pertes au travail effectué et au service rendu abaissent singulièrement le niveau moral de ceux qui s’y livrent. M. Zola a mieux observé les gens de Bourse que les paysans, et l’Argent n’a pas soulevé les protestations qui ont accueilli la Terre.

XIII. — Si les simples joueurs sont des parasites peu intéressants, les grands marchands de titres deviennent trop souvent les perturbateurs du marché par les manœuvres auxquelles ils se livrent pour fausser les cours, pour exagérer les courants de hausse ou de baisse, et c’est en quoi consiste l’agiotage à proprement parler (chap. vii, §1).

C’est pour cela que dès 1610 les États généraux de Hollande défendaient les marchés à terme sur les actions de la Compagnie des Indes. Cette défense fut renouvelée constamment pendant le dix-septième et le dix-huitième siècle, parce qu’il n’en était tenu aucun compte. Il en fut de même en Angleterre. Les actes de 1697, de 1734 et de 1773, qui défendaient

  1. A. Courtois, Défense de l’agiotage (1882, Guillaumin), pp. 19 à 24.