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du jeu de Bourse. Des ouvrages spéciaux prétendent en donner la théorie mathématique. Nous ne les suivrons pas dans cet exposé : car, quelque bien conçues sur le papier que soient ces combinaisons, elles reposent toujours sur un postulatum, à savoir : que les écarts des cours se produiront seulement dans des limites données. Or, il n’en est rien, parce que, indépendamment de l’action exercée par les gros spéculateurs, la Bourse est placée plus directement qu’aucun autre marché sous l’action des perturbations politiques et économiques : les combinaisons les plus savantes sont exposées à être brusquement renversées par une dépêche télégraphique et la ruine des petits et des moyens spéculateurs est d’autant plus profonde que l’assurance qu’ils croyaient trouver dans le maniement des primes, et qui leur fait tout à coup défaut, les avait portés à prendre des engagements hors de proportion avec leurs moyens.

XII. — En effet, encore plus que pour les marchandises, le jeu et l’agiotage se mêlent constamment aux spéculations légitimes. Dès qu’il y a eu une Bourse ouverte, c’est-à-dire un courant régulier de transactions, des personnes ont cherché à gagner de l’argent sans travail dans les différences de prix des titres qu’elles achetaient et revendaient. Au point de vue moral, ce genre d’opérations est déraisonnable. Il y a quelque chose de vil à ce que ceux dont le commerce des valeurs mobilières n’est pas la profession régulière cherchent à faire des gains qui n’ont pour origine, ni de près ni de loin, aucun travail utile. On leur donne le nom de joueurs, à cause du caractère stérile de leurs opérations. Toutefois, à la différence de ceux qui jouent à la roulette, aucun homme sensé parmi eux n’escompte le hasard[1]. Ils basent leur jeu sur

  1. M. Arthur Crump, dans son livre si intéressant the Theory of Stock Exchange speculation, a consacré une série de chapitres à mettre cette catégorie de spéculateurs, qui se recrutent souvent parmi de fort honnêtes pères de famille, en garde contre les manœuvres des gens du métier et surtout en garde contre eux-mêmes. (V. notamment les chapitres intitulés : the right temperament, — Cacoethes operandi, — the Pitfalls.) Nulle lecture n’est plus propre à engager les gens dont ce n’est pas le métier à se tenir loin de la Bourse.