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à s’engager de cette manière sont plus ou moins abondants, eu égard à la demande qui en est faite et aussi eu égard à l’aléa que présente le titre sur lequel ce prêt est gagé. En effet, si le reporté vient à ne pas tenir son engagement, à ne pas racheter, les titres restent, de plein droit, la propriété du capitaliste[1]. Grâce à l’abondance des capitaux qui s’intéressent aux affaires de Bourse, et qui ont pris l’habitude de ce genre de placement, le taux des reports n’est plus très élevé aujourd’hui ; il ne dépasse pas 2 1/2 à 4 pour 100 en temps normal[2]. Dans les moments de grande surexcitation, quand les haussiers, sur leurs fins, cherchent encore à maintenir leur position, espérant forcer la victoire, les reports peuvent monter à des taux très élevés. Il en est de même quand il se produit une catastrophe. Ainsi, en novembre 1890, lors de la crise causée par la liquidation des Baring, ils se sont, pendant deux ou trois quinzaines, élevés assez haut à Paris et à Londres. Plus tard, la perspective de l’emprunt français de 869 millions, qui faisait recueillir toutes les disponibilités en vue du premier versement, les a fait monter jusqu’à 10 pour 100 dans la première quinzaine de janvier 1891 ; mais c’est un fait exceptionnel.

Cette élévation, proportionnée aux risques des opérations et à l’état de l’offre et de la demande, ne présente pas le caractère usuraire dont certaines personnes, peu au courant des affaires de Bourse, l’ont taxée. Elle est, au contraire, le frein naturel aux excès de la spéculation et à la hausse exagérée des titres. Pendant les périodes de hausse rapide, au

  1. Cette éventualité se présente en fait très rarement. Quand les reports sont faits par l’intermédiaire des agents de change, la Corporation en est tout entière responsable ; mais quand les reports sont faits par une maison de coulisse, cette garantie n’existe pas. La Coulisse ne procédant sur les valeurs qu’à une liquidation par mois, l’aléa s’accroît d’autant pour le reporteur.
  2. Ce que disait Proud’hon en 1856 du taux élevé des reports n’est plus vrai aujourd’hui. Ce taux est bien plus variable que celui des avances sur titres précisément parce que les capitaux engagés de cette manière courent un certain aléa. Il devient beaucoup plus bas sur les bonnes valeurs dans les moments de calme. Lorsqu’ils montent très haut, comme en janvier 1891, cela ne dure qu’une ou deux quinzaines et on ne saurait multiplier ces taux exceptionnels par 12 ou 24 liquidations pour calculer le rendement des capitaux engagés en reports.