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Le spéculateur à la hausse pourra donc continuer son opération en se faisant reporter, c’est-à-dire en vendant au comptant au capitaliste reporteur les valeurs que son agent a levées pour lui, et en les rachetant à la liquidation à un prix supérieur ; la différence des deux prix constitue le taux du report (en anglais contango).

Une opération inverse se produit parfois : des spéculateurs, obligés de livrer des titres et qui ne peuvent s’en procurer sur le marché, parce qu’il n’y a pas de vendeurs disposés à s’en défaire, pourront conserver leur situation d’une liquidation à l’autre, si des porteurs de titres consentent à les leur vendre au comptant et à les leur racheter, à la liquidation suivante, à un prix inférieur : cette différence constitue le déport (backwardation) ; c’est le prix de la location des titres, comme le report est l’intérêt de l’argent prêté[1].

Le taux des reports varie selon que les capitaux disposés.

    acheter ou à vendre à terme. Vienne une liquidation et tous ces éléments se combinent. Les acheteurs sans argent vendent, ou se font reporter ; les vendeurs sans titres reportent ou rachètent. S’il y a beaucoup plus de titres à livrer que d’acheteurs disposés à lever, l’argent devient rare comparativement aux titres ; l’intérêt qu’on lui paye se trouvant supérieur à celui payé aux titres, il y a report ; si le contraire a lieu, le loyer des titres est à son tour supérieur à l’intérêt de l’argent et il y a déport. En tous cas, les vendeurs ou acheteurs à terme se liquident ou continuent leurs opérations, et trouvent dans les porteurs de titres ou détenteurs d’espèces disposés à les aliéner temporairement leur contre-partie, lorsque celui avec qui ils ont contracté primitivement ne veut pas continuer, ou n’y consent qu’à des conditions comparativement trop onéreuses ».

    « Nous ne prétendons pas que chaque spéculateur ait sa place dans l’une des trois catégories que nous venons d’énumérer ; il se peut, il arrive même le plus souvent que chacun appartient à deux de ces subdivisions ou même aux trois, mais la division des spéculateurs, telle que nous l’avons décrite, embrasse l’ensemble des opérations fermes, et quoique dans la pratique elle soit difficile à saisir, nous avons cru devoir, pour être plus facilement compris, nous en servir. »

  1. Les opérations de report et de déport consistent dans un achat au comptant et une revente à terme. Si cela équivaut en fait à une location de titres ou à un prêt d’argent sur nantissement, il y a cependant une différence juridique fort importante qui n’a pas échappé aux théologiens du Collège romain, Ballerini et Palmieri (Opus theologicum morale, t.III, p. 779). Aussi les canonistes ni les juges civils n’ont jamais appliqué aux reports les limitations légales du taux de l’intérêt. La forme est en effet de grave conséquence. Il a été jugé que celui qui avait pris en report des actions nominatives non libérées en avait été réellement propriétaire, et par conséquent était responsable des versements non effectués. Par une conséquence du même principe, celui qui a pris des actions en report a le droit d’assister aux assemblées générales.