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Quand surviennent de grandes catastrophes, qui réduisent à rien la valeur de certains titres, toutes les couvertures sont insuffisantes et les différences sont telles que les exécutions se multiplient et atteignent même de grands spéculateurs[1].

A New-York et dans les bourses américaines, aucun broker ne consentirait, comme à Paris et à Londres c’est trop souvent le cas, à faire des opérations pour un spéculateur sans couverture. Chacun des deux contractants doit déposer dans une banque un chèque certifié, c’est-à-dire accepté par une banque, égal au montant probable de la différence et il est procédé au besoin à des appels de suppléments ou marges suivant les variations du marché. (Cf. chap. vii, § 13.) Les Américains sont étonnés de la facilité avec laquelle, en Europe, on fait des affaires considérables sans autre garantie que celle du crédit personnel[2].

Un des meilleurs moyens d’empêcher les opérations imprudentes est d’avoir des époques de liquidation rapprochées et de ne pas admettre de marchés portant sur des termes éloignés. A l’époque de Law, nous le verrons (chap. xi, § 6), il y eut des ventes à terme à livrer dans six mois ou un an. C’était sans doute une imitation des pratiques d’Amsterdam. Quand la Bourse se réveilla, sous le règne de Louis XVI, les marchés à livraisons éloignées se reproduisirent et l’édit du 22 septembre 1786 estima faire une réforme importante en fixant à deux mois le terme le plus éloigné pour les ventes à livrer sur les effets publics et valeurs mobilières. Les bourses ont partout tendu à abréger encore ces délais. A Paris, au Parquet il y a une liquidation de quinzaine pour les valeurs.

  1. En janvier 1882, la Coulisse avait acheté à l’Union générale, qui malheureusement s’était laissé entraîner à prendre en report, puis même à acheter ses propres actions, pour 112 millions d’actions nouvelles livrables à l’émission. Sous prétexte que cette émission s’était trouvée être contraire aux prescriptions de la loi sur les sociétés, la Haute Banque et le Parquet ont relevé purement et simplement les maisons de coulisse de leurs obligations, pour n’avoir pas à en exécuter quelques-unes, au lieu d’exiger le paiement de cette dette. La liquidation de l’Union générale a été ainsi frustrée d’un élément fort important de son actif. La Bourse se montra à cette occasion d’un scrupule à l’endroit de la loi écrite qui n’est pas dans ses habitudes.
  2. V. Gibson, the Stock Exchanges of London, Paris and New-York, pp. 44-43.