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lesquels ils prolongent leurs opérations d’une liquidation à l’autre (§ 10), ramènent l’équilibre entre ces courants opposés.

Toutefois il faut reconnaître que le marché à terme sur les valeurs mobilières est surtout pratiqué par les spéculateurs entre eux, qui cherchent à réaliser des bénéfices par des achats et des reventes successifs. Ces bénéfices résultent de la différence des cours entre le jour où l’opération est conclue et celui de la liquidation ; naturellement, ils se règlent par le paiement de simples différences, comme se liquide une filière de marchandises. En effet, il est indifférent à l’acheteur de recevoir le jour de la liquidation les titres qu’il a achetés à un cours inférieur et qu’il revendrait immédiatement pour pouvoir payer son prix d’achat et réaliser son bénéfice, ou bien de recevoir des mains de l’agent de change avec qui il a traité le montant de la différence entre les deux cours. Le vendeur a tout avantage aussi à solder simplement la différence au lieu d’acheter pour livrer. Cette manière d’opérer par règlement de différences résulte de l’organisation même de la Bourse, où acheteurs et vendeurs ne traitent pas en réalité directement, mais où toutes les opérations en titres et en argent sont compensées entre les agents de change ou à la liquidation de la Coulisse (§ 5).

Ce commerce de titres a sa raison d’être dans l’abondance même des valeurs mobilières offertes et demandées sur les marchés. Il a existé de tout temps pour les lettres de change et l’on ne peut nier qu’il ne serve à la compensation des créances et des dettes réciproques des divers pays, même quand il s’opère uniquement entre spéculateurs. Les arbitrages de bourse notamment contribuent puissamment, nous l’avons vu (chap. iii, § 11), à maintenir en équilibre le marché des capitaux dans le monde[1]. [fin page358-359]

  1. M. A. Raffalovich (Nouveau Dictionnaire d’économie politique, vo Bourse), indique un autre usage des ventes à terme, même faites à découvert : « Les capitalistes avisés, qui prévoient des complications politiques et qui redoutent une crise économique, vendent parfois une valeur qu’ils ne possèdent pas et qu’ils croient susceptible de baisser dans de fortes proportions, afin de trouver dans le bénéfice qu’ils pourront réaliser à la baisse une compensation à la dépréciation de leur portefeuille. Ainsi, par exemple, les capitalistes anglais ont pendant longtemps vendu à découvert des fonds russes afin de se constituer une assurance contre la baisse possible des consolidés et des fonds coloniaux, en cas d’un conflit entre les deux pays. »