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La personne, qui doit avoir le 30 du mois un capital disponible, a avantage à acheter à terme dès le 2, si le cours à cette date lui paraît favorable, si elle croit que la rente haussera. En sens inverse, celle qui a à faire un paiement à la fin du mois fera sagement de vendre à terme quand un cours avantageux aura été acquis ; car on ne sait jamais s’il se maintiendra. Les opérations un peu importantes se font en réalité beaucoup plus facilement à terme qu’au comptant.

Il faut bien se rendre compte que les achats et ventes à terme ne sont possibles pour les capitalistes ordinaires, pour ceux que nous appellerons, si on veut, les pères de famille, que parce qu’il existe des marchands de titres, des spéculateurs, et que parmi ceux-ci il s’en trouve toujours qui envisagent en sens inverse les perspectives de hausse ou de baisse. S’il n’y avait pas de vendeurs à terme, c’est-à-dire des spéculateurs qui espèrent à la liquidation se procurer les titres au-dessous du cours auquel ils les vendent aujourd’hui, l’on ne trouverait pas à acheter à certains jours. On l’a vu pour les emplois des fonds des caisses d’épargne, en mai, juin et juillet 1890. Le comptant ne suffisait pas à fournir des contreparties aux demandes de rentes ; le terme, — c’est-à-dire les grands spéculateurs. —a pu seul fournir les quantités demandées[1]. En sens inverse, c’est parce qu’il y a des spéculateurs à la hausse qu’un particulier est toujours assuré de vendre à terme à peu près toutes les quantités qu’il veut. Michel Chevalier le disait en 1867 dans un rapport au Sénat :

Sans supposer même d’emprunt, la faveur dont jouit la rente à la Bourse, le maintien de ses cours viennent de la facilité de vendre, d’acheter à tout instant autant et aussi peu de titres qu’il convient sans grandes variations ; car, par la force des choses, le classement et le déclassement des rentes ne sont jamais dans une égale proportion ; autrement dit, il y a des temps où le public achète plus de rentes qu’il n’en vend et d’autres où il en vend plus qu’il n’en achète.

Ce sont les spéculateurs ou négociants en titres, qui, au moyen des opérations en liquidation et des reports par

  1. Discours du ministre des Finances à la Chambre des députés. Séance du 18 mai 1890.