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une juridiction arbitrale à laquelle on cherche rarement à échapper et qui, à la longue, impose ses règlements sur les marchés aux tribunaux ordinaires. En réalité, la Bourse partout a fini par se faire sa loi à elle-même, et elle a triomphé, en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, des prohibitions dont le législateur avait frappé ses pratiques[1].

Un trait commun à toutes les bourses du monde, c’est l’extrême simplicité des formes en lesquelles les transactions les plus importantes sont conclues. Une rapide mention au crayon sur un carnet suffit à les constater ; un très grand nombre sont même purement orales. Chose très remarquable, dans aucun autre genre d’affaires il n’y a moins de difficultés et de déloyautés sur les conditions dans lesquelles les marchés ont été conclus. La nécessité a imposé aux gens de Bourse ce genre d’honnêteté. Si on le comparait avec les fraudes tolérées par l’usage en matière de ventes de chevaux, même entre les gens du meilleur monde, on pourrait écrire un intéressant chapitre de l’histoire de la morale.

IX. — Les achats et les ventes au comptant sont le plus habituellement le fait des capitalistes qui cherchent un placement pour leurs fonds. Ces opérations, nous l’avons dit, sont en définitive, et malgré des perturbations accidentelles, les régulatrices du marché. Mais il ne faut pas croire que le comptant soit toujours innocent et le terme toujours coupable. Quand, en 1890, un pool achetait, à New-York, en quelques semaines, de 350.000 à 400.000 actions du Reading Railway, ses achats, quoique au comptant pour la plupart, constituaient évidemment une gigantesque opération d’accaparement.

D’autre part, les opérations à terme, c’est-à-dire les ventes ou achats de titres livrables aux époques de liquidation, sont souvent parfaitement sérieuses.

Les valeurs mobilières sont des marchandises et il y a pour elles, comme pour les denrées, des marchands de profession.

  1. G. Deloison, Traité des valeurs mobilières (Paris, 1890, n° 6), et article Bœrse, dans le Staatslexicon, édité par la Gœrresgesellschaft (Herder, Freiburg en Breisgau).