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de coulisse opérant à la fois sur les rentes et sur les valeurs, 46 maisons s’occupant uniquement des valeurs et 55 maisons ne s’occupant que des rentes. Il ne s’agit là que des maisons admises à la liquidation centrale et représentées à la chambre syndicale de la Coulisse : au-dessous d’elles sont les agences financières (§16).

Les 43 maisons de rentes et valeurs, dit un écrivain du métier, sont les plus importantes du marché en banque. Le capital de chacune d’elles varie entre 500.000 francs et 5 millions. Dans le nombre il y a bien une vingtaine de maisons qui ont plus de 2 millions. Le capital global de la Coulisse est de près de 100 millions. La Coulisse étant un marché absolument libre, n’importe qui peut s’établir coulissier ; mais les admissions sont moins faciles qu’autrefois. Il faut d’abord être agréé et prouver ensuite que l’on a au moins 500.000 francs de capital, pour faire partie de la coulisse des valeurs et 100.000 francs pour être considéré comme courtier en rentes. Cette exigence est très compréhensible. Les affaires faites entre coulissiers ne sont pas reconnues ; elles reposent sur la bonne foi réciproque des contractants[1].

C’est à la Coulisse que se négocient de préférence les grosses affaires à terme sur certaines valeurs internationales, telles que les fonds russes, égyptiens, autrichiens, espagnols, hongrois, turcs donnant lieu à des arbitrages entre les diverses places de l’Europe. Les maisons de banque les plus haut placées, les établissements de crédit, les agents de change eux-mêmes, pour les opérations en banque qu’ils ont à traiter, n’hésitent pas à s’adresser à elle[2].

Telle qu’elle est, avec un monopole fort discutable à la base, cette organisation fonctionne d’une manière aussi satisfaisante que celle qui s’est constituée spontanément à Londres et qui, partant de la liberté, a abouti en fait à la constitution d’une corporation très puissamment organisée aussi[3]. [fin page350-351]

  1. O. Marinitich, la Bourse théorique et pratique (Ollendorf, 1892), pp. 241-242.
  2. Parmi les maisons de coulisse, plusieurs, et des plus importantes, ont des étrangers pour chefs. L’importance prise par la Coulisse rend illusoire la condition imposée aux agents de change d’être de nationalité française.
  3. Une brochure distribuée aux membres du Parlement en 1892 sous ce titre : le Marché libre : quinze millions par an à l’État, propose un plan fort ingénieux de rachat des charges des agents de change de Paris et des départements. Un impôt sur les courtages des intermédiaires, analogue au droit de timbre d’engagement que le Parquet perçoit actuellement à son profit, procurerait les moyens d’amortir rapidement les 120 millions que représentent les charges actuelles. Tout Français majeur de vingt-cinq ans et déposant un cautionnement pourrait s’établir comme agent de change. Il faudrait au moins que ces agents nouveaux formassent une corporation libre comme le Stock-Exchange de Londres ou de New-York ; car l’organisation corporative d’une Bourse, avec les services collectifs qu’elle assure et la garantie qu’elle donne au public, est indispensable. C’est ce que perdent souvent de vue les auteurs de tous ces projets de réforme.