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Dans presque toutes les bourses, il y a des règlements analogues. La valeur incontestable de ce procédé de règlement assure le maintien du monopole de ces corporations ; car elles seules peuvent le pratiquer.

VI. — A Paris, soixante agents de change, dont les charges sont des offices transmissibles et héréditaires, représentant, avec leur fonds de roulement, une valeur moyenne de 2.600.000 francs, ont de par la loi le monopole de toutes les transactions sur les valeurs françaises et étrangères admises à la cote[1]. Le législateur avait voulu en faire seulement des intermédiaires, des sortes de notaires et de courtiers ; ils ne devaient faire d’opérations qu’après avoir reçu de leurs clients les titres qu’ils étaient chargés de vendre ou les sommes nécessaires pour payer ceux qu’ils achetaient ; ils ne pouvaient point se porter garants des marchés qu’ils faisaient. Jusqu’à l’an dernier, des règlements de 1724, 1766 et 1785 fixaient encore leurs droits et leurs devoirs. L’on peut penser s’ils étaient observés !C’est seulement la loi du 28 mars 1885 et un décret du 7 octobre 1890 qui ont mis la loi en harmonie avec la pratique. Un secret professionnel absolu couvre toutes les opérations faites à la Bourse : l’agent de change ne fait jamais connaître à son client la personne à qui il a vendu ou de qui il a acheté (il ne la connaît pas lui-même), ni même le confrère avec qu’il a opéré. L’agent est donc seul engagé vis-à-vis de son client et celui-ci n’a d’action que contre lui. Les agents de change sont organisés en corporation publique, la chambre syndicale a institué une caisse de liquidation pour régler par compensation les opérations de ses membres avec la rapidité exigée par les transactions de

  1. L’admission à la cote, en facilitant les transactions, augmente la valeur d’un titre et surtout le fait accepter plus facilement par les banquiers comme sécurité collatérale. Cette admission est subordonnée à certaines règles qui ont pour but de n’appeler l’attention du public que sur des valeurs présentant des garanties. C’est là au moins la théorie ; en fait, ces règles sont assez arbitraires. Pratiquement, dit M. P. Leroy-Beaulieu, les actions d’une entreprise constituée avec un capital inférieur à une dizaine de millions sont invendables à la Bourse de Paris. Il faut recourir à des courtiers marrons, qui se sont fait une spécialité de tel ou tel genre de valeurs. La négociabilité à la Bourse, avec ses avantages incontestables, est donc en fait un privilège pour les grandes sociétés. M. Leroy- Beaulieu voudrait que la Corporation des agents de change de Paris, usant de la facilité que lui donne l’article 45 du décret de 1890, organisât, à l’exemple de Bruxelles, des ventes aux enchères périodiques de ces petites valeurs.