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par des puissances qui se tiennent dans l’ombre. Les perturbations de la cote des valeurs mobilières ont une répercussion dans le pays entier, parce qu’un très grand nombre de familles en possèdent plus ou moins et elles atteignent des couches de populations plus profondes que ces vastes spéculations sur les marchandises dont nous avons parlé dans le chapitre précédent.

La Bourse est née le jour où il y a eu des valeurs mobilières proprement dites, c’est-à-dire transmissibles au porteur ou par un simple transfert[1]. Les titres de rente, luoghi dei monti, que Venise, Gênes, Florence, au moyen âge, émettaient parmi leurs citoyens, valaient plus ou moins selon les circonstances et leurs porteurs cherchaient naturellement à réaliser des bénéfices en les achetant et en les vendant à propos. Dès le quatorzième siècle, les ventes à terme se soldant par des différences étaient pratiquées sur les bords de l’Arno. Pour y couper court, la Seigneurie essaya du remède préconisé encore aujourd’hui par les personnes qui croient qu’on peut refréner les jeux de Bourse ; elle établit un impôt de 2 pour 100 sur chaque transaction (§ 19).

Au dix-septième siècle, Amsterdam avait une bourse très active. Dans les derniers temps du règne de Louis XIV, les effets royaux, bons du Trésor, assignations sur le produit des fermes, mandats des entrepreneurs de vivres, étaient à Paris l’objet de transactions suivies. Quand Law imagina sa colossale expérimentation financière, il trouva un public tout préparé pour se livrer à la folie d’agiotage dont la rue Quincampoix fut le théâtre (chap. xi, § 5). Après la liquidation du système, des édits de 1723 et de 1724 organisèrent la corporation

  1. M. A. Deloume a démontré qu’au dernier siècle de la république romaine les partes dans les sociétés de publicains (chap. i, § 4) donnaient lieu à des transactions animées, que leur cours variait journellement suivant la prospérité de ces entreprises et les événements politiques, que des spéculations considérables avaient lieu sur ces variations du cours des partes et que fréquemment des spéculateurs s’y ruinaient. C’est autour du temple de Janus que se tenait cette Bourse. Auguste ayant supprimé les adjudications d’impôts, ce genre de spéculation disparut faute d’aliment. Les Romains ne connurent en effet ni les sociétés industrielles par actions ni les emprunts publics négociables. Voilà pourquoi il n’en est plus question dans les textes du droit classique. (Les Manieurs d’argent à Rome. Conclusion. (2e édition, Paris, Thorin, 1891).