Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui étaient produits alors presque exclusivement dans les États du Sud, une opération d’accaparement qui rappelle étonnamment celle des métaux, et où l’on retrouve le même engagement d’une grande société financière avec les mêmes abus du crédit.

Biddle commença par acheter tout le coton disponible chez les planteurs en le payant avec les billets que lui fournissait la Banque des États-Unis. Des banques nouvelles s’étant élevées dans le Sud à la faveur des hauts prix auxquels son opération avait fait écouler le coton, il fit acheter par la Banque des États-Unis la plus grande partie de leurs actions pour contrôler leurs opérations. Tout le coton acheté ainsi était consigné à Liverpool et au Havre, et Biddle réussit à obtenir de la Banque d’Angleterre des escomptes sur ses effets qui ne montèrent pas à moins de 3 millions de livres st. en 1837 et qui lui servaient à maintenir aux États-Unis la circulation des billets de la Banque. L’opération en 1839 avait donné 15 millions de dollars de bénéfice. Mais le stock des cotons détenu par la Banque était monté à 90 millions de balles. La fabrication se resserrait partout et la hausse des prix faisait en même temps apparaître tous les stocks invisibles, exploiter les provenances les plus diverses ; si bien qu’après un ou deux ébranlements momentanément conjurés la crise éclata ; le coton baissa brusquement et la Banque liquida en entraînant des pertes énormes pour les capitalistes européens et le public américain. Une longue dépression des affaires suivit ce lourd échec de la plus grande tentative d’accaparement qu’on eût vue jusqu’alors[1].

XIV. — Il est heureux que la concentration internationale du commerce du cuivre que devait réaliser la Metal corporation n’ait pas abouti ; car de pareils monopoles, s’ils pouvaient s’établir, seraient, comme le socialisme d’État dans l’ordre législatif, la préparation prochaine de l’avènement du socialisme universel.

  1. Les péripéties de la spéculation de Biddle sont racontées par M. Clément Juglar, des Crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux Etats-Unis (2e édit. Paris, 1880), pp. 463 et suiv.