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au 20 décembre 1888, 1.057 fr. n’en valaient plus a la fin de février 1892 que 262. Encore ce résultat favorable de la liquidation est-il dû à ce que les tribunaux anglais et les tribunaux français ont prononcé la nullité de la garantie donnée par le Comptoir aux traités passés avec les mines pour les livraisons ultérieures qu’elles devaient faire.

L’abandon complet que Secrétan a fait immédiatement de sa fortune personnelle à la liquidation de la Société des métaux, une somme de 24 millions versée par les membres du conseil d’administration du Comptoir d’escompte à titre de transaction pour leur responsabilité pécuniaire, les condamnations en responsabilité spéciale contre M. Hentsch étaient bien peu de choses en présence de ces désastres. Quant à l’action correctionnelle mise en mouvement à la suite des réclamations de l’opinion, l’un des principaux coupables, Denfert-Rochereau, s’étant suicidé, Secrétan, Laveissière et Hentsch père ont été seuls condamnés à des peines légères pour distribution de dividendes fictifs. En ce qui touche l’accaparement proprement dit, tandis que les juges civils en ont trouvé des éléments suffisants pour prononcer la nullité absolue, même au regard de la Société des métaux, des engagements pris par celle-ci vis-à-vis des mines et des avals donnés à ces contrats par le Comptoir d’escompte[1], les juges correctionnels ont estimé qu’un des éléments caractéristiques du délit faisait défaut et ont en appel relaxé de ce chef les prévenus[2].

  1. Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 décembre 1890.
  2. Des trois branches du délit d’entrave à la liberté du commerce fondé sur l’article 419 C. p. : manœuvres frauduleuses, suroffres, coalition des principaux détenteurs, la Cour de Paris, dans son arrêt du 5 août 1890, a déclaré qu’aucune ne se trouvait dans l’affaire des cuivres. Cette gigantesque spéculation s’est faite au grand jour et a été discutée journellement par la presse : il n’y a donc pas eu de manœuvres. Sur la question des suroffres, la Cour, malgré les instructions précises données par Secrétan à ses agents pour faire monter jour par jour les cuivres, est amenée à dire ce qui suit et qui caractérise bien les procédés des marchés modernes : « Quelles que soient les présomptions à cet égard, il n’est pas suffisamment établi que ces agents aient eu réellement à employer ce moyen. Les prétentions formulées chaque jour par les vendeurs auxquels se sont adressés les agents de Secrétan et le détail des achats effectués par ces derniers ne sont pas assez exactement connus pour qu’il soit possible sur ce point de se prononcer avec une certitude absolue et d’affirmer que la hausse a été obtenue à l’aide de suroffres aux prix demandés par les vendeurs. » La décision de la Cour a été la même en ce qui touche la coalition : elle existait et était parfaitement reconnue ; « mais Secrétan, entre les mains de qui le cuivre du monde entier arrivait, ne s’était engagé envers personne à ne pas vendre ou à ne vendre qu’à un prix limité ; il s’était réservé de vendre suivant les occurrences et à des prix variables. »