Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’un prélèvement insignifiant. Les pots-de-vin modernes, perçus à l’abri de la responsabilité ministérielle sur les fournitures et les concessions administratives, sont beaucoup plus importants ; seulement la comptabilité publique ne les relève pas. Ce n’est donc pas chez nous que le socialisme peut se présenter comme le vengeur des droits historiques violés.

V. — La même loi physiologique efface aussi tous les jours les effets des procédés législatifs par lesquels une classe particulière avait pu jadis s’attribuer des avantages pécuniaires sous forme d’exemption de taxes ou même des impôts perçus à son profit sur la masse des contribuables.

Nous n’entendons pas flétrir indistinctement sous ce nom les privilèges dont le clergé et la noblesse ont joui durant longtemps sous l’ancien régime. M. Taine a montré que leurs privilèges correspondaient, dans l’organisation sociale qui s’était développée au moyen âge, à des fonctions remplies gratuitement et que leurs exemptions d’impôt n’étaient en réalité que la rémunération de services rendus.

Toutefois au xviie et au xviiie siècle, ces privilèges n’étaient plus justifiés, parce qu’une nouvelle organisation administrative rendait ces services au lieu et place des anciens ordres. La fiscalité royale les avait déjà restreints de telle sorte que dans les années qui ont précédé 1789 les privilèges de la noblesse proprement dite étaient peu lucratifs[1]. Malheureusement cette même fiscalité, jointe à une grande ignorance des principes économiques, avait multiplié les offices de toute sorte[2], et, à défaut de traitement, elle y avait attaché des exemptions de la taille, des franchises pour le sel, qui faisaient que le poids principal des impôts retombait sur l’habitant de la campagne. Il y avait comme deux parties dans la

  1. V. Taine, l’Ancien Régime, pp. 82 à 92. Stourm, les Finances de l’ancien régime et de la Révolution, t. I, pp. 238 et suiv., t. II, pp. 476 et suiv.
  2. Ces offices étaient achetés par la bourgeoisie des villes ou des bourgs. Il y en avait de si infimes que leurs titulaires confinaient en réalité aux classes populaires, malgré les titres pompeux dont ils étaient revêtus.