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A l’appui de l’opinion exprimée alors par M. Georges de Laveleye on doit constater que, même après la catastrophe, le cuivre n’est jamais redescendu aux cours si déprimés où Secrétan l’avait pris en mains. En vain, un stock de 159.000 tonnes a-t-il été brusquement jeté sur le marché en mars 1889, il est remonté presque immédiatement à 54 livres[1]. Il n’est redescendu à 46 livres en 1891 que sous l’influence de la production de plus en plus grande des mines américaines, notamment de celles du lac Supérieur et du Montana. Les spéculateurs ont même cherché dans de moindres proportions à répéter la manœuvre de Secrétan à plusieurs reprises. En août-septembre 1890, les Anglais détenteurs des warrants de cuivre ont essayé d’un mouvement en avant et ils ont réussi à étrangler les vendeurs à découvert. Ils poussèrent le cuivre jusqu’à 61 livres un moment ; mais immédiatement la consommation s’est resserrée et les importations ont afflué. Dès décembre, il était revenu à 53 livres et depuis il oscille autour de ce cours. The Economist, en constatant la répétition des mouvements, qui s’étaient produits lors de la grande spéculation de 1888, en concluait que si la Société des métaux était restée dans les bornes de la modération et s’était arrêtée à 60 livres, elle aurait vraisemblablement réussi, mais que, dès que ce cours est atteint, on arrête la consommation et l’on surexcite la production. La sagesse chez de pareils spéculateurs est la chose qu’on peut humainement le moins attendre de leur part. Au vertige des millions s’ajoutent les entraînements de la vie privée surexcitée par ces succès d’argent et l’enivrement d’orgueil entretenu par les parasites et les flatteurs. Même indépendamment de cet élément psychologique, qu’il ne faut jamais perdre de vue dans les affaires, nous ne pouvons admettre

  1. Les usines de la Société des Métaux ont continué à fonctionner sous la direction du liquidateur et ont donné en 1889 un bénéfice industriel de six millions. Il en a été de même en 1890 et en 1891, jusqu’à ce que le 2 décembre 1891 toutes ses usines et brevets aient été adjugés au prix de 18.000.050 francs à la Compagnie de reconstitution de la Société des métaux, qui en a fait elle-même apport à une nouvelle société intitulée la Société française des métaux, au capital de 25 millions de francs.