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acheta ainsi plus de 12.000 tonnes dans les mois d’octobre, novembre et décembre 1887, en portant graduellement et délibérément le cours jusqu’à 84 livres[1]. Les rachats de la spéculation à découvert le portèrent même à 101 liv. 1/2 un certain jour[2]. Naturellement tous les stocks de cuivre affluèrent à Londres et Secrétan acheta dans le courant de 1888 jusqu’à 130.000 tonnes de cuivre[3]. Les mines redoublant d’activité, le syndicat ne fût pas resté maître du marché, Il passa donc dans les premiers mois de l’année 1888 avec 37 mines anglaises, américaines, suédoises, espagnoles des contrats qui lui assuraient à livrer en trois ans 542.000 tonnes de cuivre, représentant, au taux moyen où elles étaient vendues, plus de 908 millions. La production du monde ne s’étant élevée en 1887 qu’à 220.000 tonnes, il l’accaparait tout entière, sauf 40.000 tonnes. De plus, Secrétan se réservait de proroger ces traités pour six et pour neuf ans sur le même pied. Dans un grand nombre de ces traités, les mines, en s’engageant à lui livrer annuellement un chiffre déterminé de

  1. D’après des lettres à ses agents de Londres, en novembre et en décembre 1887, Secrétan leur prescrivait d’opérer chaque jour des achats de cuivre en quantité suffisante pour faire monter le marché, tantôt de cinq shellings, tantôt de dix, jusqu’à ce que l’on ait touché au taux qu’il s’était fixé à l’avance. 15 novembre 1887, lettre à M. Morrisson : « Cuivres, ne plus laisser fléchir pour aucune raison. « MM. Coulon-Berthoud auront ordre chaque jour pour acheter au mieux jusqu’a 300 tonnes. Quant à vous, Messieurs, vous devez surtout vous réserver pour la seconde bourse, dans laquelle les vendeurs font toujours des efforts. Et vous devrez, à cette seconde bourse, acheter tout ce qui se présentera en li­vrable jusqu’à ce que vous ayez augmenté les prix de la veille de 5 shellings… Il faut que nous soyons pour le 8 ou le 10 décembre à 53 livres, et cela d’une façon progressive autant que possible. « Voici ce qu’il faut faire pour le cuivre : monter de 10 shellings par jour jusqu’au cours de 84, 10 ou 15 au maximum pour la fin de l’année. Ensuite, on maintiendra ce prix pendant quelque temps ; après quoi nous aviserons. » Les instructions données par Secrétan à ses correspondants furent suivies. Le 21 novembre, le cuivre était coté 50 liv. 50 ; le 1er décembre, 66 livres 50 ; le 27 décembre, 84 livres 17 et le 30 décembre 85 livres.
  2. Les opérations se réglant par des différences, qui ont été le principal instrument des corners sur les blés ou sur les cotons, n’ont joué qu’un rôle accessoire dans l’accaparement des cuivres. Presque tous les achats ont été des achats en disponible et les marchés avec les mines étaient des marchés devant essentiellement aboutir à une livraison effective. On voit par là qu’il ne faut pas rapprocher toujours, comme le font les gens ignorants de la pratique des affaires, les opérations à terme de l’agiotage et de l’accaparement.
  3. La Société des métaux employait chaque année pour ses usines environ 30.000 tonnes de cuivre.