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Banque de Londres et de Paris, à tenter de relever le cours des métaux. Une première spéculation, en 1887, sur l’étain et sur le plomb donna de fort bons résultats. En trois mois, l’étain monta de 65 pour 100 et le plomb de 20 pour 100. Secrétan, encouragé par ce succès, entreprit alors de doubler en quelques mois les prix du cuivre.

Le cuivre du Chili., sur lequel s’établit la cote à Londres, avait valu en 1871, au moment de la reconstitution des approvisionnements, de 120 à 130 livres st. la tonne. Il avait baissé naturellement après, sous l’action de la mise en exploitation de nombreuses mines ; mais, de 1872 à 1881, les cours se tinrent constamment, sauf les écarts extrêmes, entre 77 et 741iv. De 1882 à 1886, la baisse s’accentua régulièrement et il finit, en 1886 et 1887, par tomber à 40 livres. La production commençait à cesser ; le minerai ne venait plus sur le marché de Londres ; les mines gardaient sur le carreau des quantités considérables ; le stock disponible diminuait de 60.000 tonnes et était tombé à 40.000 tonnes. Le cuivre toucha alors le cours de 38 livres et même de 36 livres !

Un groupe de spéculateurs anglais, qui détenait ce stock de 40.000 tonnes, poussait à la baisse par la menace d’en jeter une partie sur le marché, et réalisait ainsi des bénéfices sur les vendeurs à découvert[1]. La consommation industrielle, craignant toujours une baisse plus grande, n’achetait

  1. Il y avait sans doute aussi une autre raison à cette spéculation systématique à la baisse provoquée par les détenteurs mêmes du principal stock de cuivre. Ils se livraient vraisemblablement à des opérations parallèles sur les actions des mines de cuivre aux bourses de Paris et de Londres. En effet, la même spéculation à la baisse s’est produite à la fin de 1891, dans des conditions qui ont été ainsi exposées par le Messager de Paris, et qui peuvent nous faire comprendre la spéculation de 1886 : « Après la chute de la Société des Métaux, une forte partie du cuivre détenu par la société ou le syndicat a été très heureusement réalisée par l’intermédiaire d’une des premières maisons de notre place ; mais le solde, soit 25.000 tonnes environ, a été racheté par de puissants financiers. « Il semble que le temps ait paru long aux détenteurs de ce stock et que, fatigués de payer des magasinages et de perdre des intérêts, ils se soient décidés à réaliser la marchandise en totalité ou en partie. « Malheureusement, la réalisation plus ou moins précipitée d’une aussi forte quantité de cuivre, quelle que soit d’ailleurs la discrétion apportée aux opérations, ne pouvait être effectuée sans une large dépréciation des prix. Les détenteurs de ce stock considérable l’ont admirablement compris, et il est permis de supposer que, pour compenser leur perte sur le cuivre, ils ont songé à conduire simultanément une opération à la baisse sur les actions du Rio-Tinto, à moins cependant qu’ils n’aient d’abord vendu des actions du Rio-Tinto à découvert, et qu’ils se soient servis du stock de cuivre pour précipiter les cours des barres du Chili et par suite du Rio-Tinto. Plus le cuivre baissait et plus le Rio s’effondrait ; si bien qu’il suffisait d’avoir vendu une certaine proportion de Rio pour avoir intérêt à déprécier soi-même son propre stock de métal, puisqu’on pouvait regagner, et au delà, d’un côté, par les différences de Bourse, ce qu’on perdait de l’autre. »