Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

On fait remarquer aux États-Unis que le meilleur moyen de briser le monopole des trusts serait d’abaisser les barrières de douane à l’abri desquelles ils sont les maîtres du marché intérieur. La concurrence des importateurs les obligerait à faire bénéficier le public de la réduction des frais de revient et elle dissoudrait forcément leur coalition.

Les grands directeurs de ces monopoles sont assez habiles dans l’art de manipuler l’opinion pour que, tout en s’indignant contre les trusts, le Congrès s’engage dans une voie de protectionnisme qui éloigne de plus en plus ce remède héroïque.

Il est de fait que dans tous les pays la protection douanière pousse les producteurs à se coaliser. S’il n’y a presque pas de ces combinaisons en Angleterre, c’est grâce au libre-échange. En Allemagne, ce sont les industries les plus protégées, le cuivre, le fer, l’acier, les houillères, qui ont constitué les premiers kartelle. En France, si les raffineurs de sucre arrivent à dominer le marché par leur combinaison permanente, c’est que leur industrie est non seulement protégée, mais subventionnée par des primes à l’exportation déguisées sous la forme de restitutions de droits. Par contre, le syndicat des fabricants de rails d’acier anglais, allemands et belges, établi en 1884[1], ne s’est pas reconstitué, uniquement parce que les fabricants français ont profité des prix auxquels il avait porté les rails pour exporter leurs produits en Allemagne et en Belgique. En même temps, grâce à ces hauts prix, pour la première fois les usines américaines ont pu exporter des rails au Canada. Cela a montré aux Anglais comment la protection pouvait nuire à ceux qui en abusent.

XI. — Néanmoins il ne faudrait pas trop compter là-dessus. L’on a vu assez longtemps des accords se maintenir entre les grandes fabriques de glaces de la France, de la Belgique, de l’Angleterre, pour ne pas regarder la différence des nationalités

  1. V. le Socialisme d’Etat et la Réforme sociale (2e édit.), pp. 379-380.