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législatures d’État ; mais encore ils ont été à même, aux élections présidentielles de novembre 1888, d’écraser l’honnête Cleveland sous la force de l’argent et de fausser par la corruption le suffrage de tout le pays. Ils ont pu faire nommer un Président dans leur dépendance et avoir dans le 50e Congrès une majorité absolument à leur dévotion. Le speaker de la Chambre, Thomas B. Reeds, qui était leur homme, a abusé de son pouvoir sur les travaux de la Chambre, comme jamais cela ne s’était vu. Le vote d’un tarif douanier exorbitant, les bills Mac-Kinley et Edmunds ont manifesté leur puissance dans des proportions telles qu’une réaction s’en est suivie dans l’opinion. La véritable volonté populaire parviendra-t elle à briser une pareille machine de parti, c’est une question vitale pour les États-Unis ?

X. — Au contraire, l’Angleterre est, grâce à la vigueur de sa constitution économique, à l’abondance de ses capitaux, au développement qu’y a pris déjà la coopération, le pays où les mœurs financières sont relativement le plus saines. Les accaparements commerciaux y ont toujours échoué. Divers projets de syndicat des houillères, des farines, des produits chimiques, mis en avant dans ces dernières années, ont avorté. Leurs promoteurs n’ont pas osé affronter l’opinion publique, et cependant des actes de 1773 et 1844 ont aboli complètement toutes les incriminations pénales d’accaparement et de monopole ! Un syndicat pour la production du sel paraît seul avoir réussi[1].

  1. Il est cependant une industrie dans laquelle le monopole tend à s’établir, c’est celle des débits de boissons alcooliques. En Amérique, en Angleterre, en Australie, les grands brasseurs ou distillateurs cherchent à se rendre propriétaires, soit directement, soit indirectement au moyen d’hypothèques, des public houses, dans lesquelles on débite leurs produits. C’est ce qu’on appelle le Tied house system. Aux Etats-Unis, les lois fiscales, connues sous le nom de hig licence, se sont efforcées de rendre cette combinaison presque impossible et elles y ont, dit-on, réussi. Bien involontairement les lois anglaises sur les licences ont facilité son développement. Une enquête faite en 1890 a constaté combien il était grand ; dans le district métropolitain, par exemple, 259 brasseurs avaient entre leurs mains 2.500 licences, soit le tiers du nombre total : à Blackburn, dans le Lancashire, sur 400 licences, 253 étaient entre les mains de trois compagnies de brasseries (the Economist, 8 novembre 1890 et 7 mars 1891). Pour remédier à cet abus, le Parlement de la South-Australia a considéré comme un délit le fait d’une convention de ce genre écrite ou occulte. Il a en même temps donné un droit de préférence pour l’attribution des licences aux personnes qui justifieraient être propriétaires libres d’hypothèque de la boutique où elles veulent établir un débit (the Economist, 13 décembre 1891).