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est que souvent elles abusent de leur position pour maintenir des prix de transport trop élevés, puis que, en obéissant seulement à leur intérêt commercial, elles entrent en participation sous les formes les plus diverses avec les grandes combinaisons industrielles. Elles leur font des rabais spéciaux et se prêtent à leurs manœuvres pour écraser des concurrents. On en a vu un exemple à propos des fabriques de viandes conservées de Chicago (§ 5). De même dans beaucoup d’États les elevators, destinés à emmagasiner et à classer le blé, sont la propriété exclusive des compagnies et leurs directeurs sont eux-mêmes intéressés dans les opérations de concentration du commerce des céréales (chap. vi, § 11). Un fait parfaitement constaté, c’est que les mêmes hommes, un petit nombre de puissants capitalistes, ont la main dans toutes les grandes affaires. En un mot, c’est la combinaison des trusts industriels avec les chemins de fer qui rend les premiers si puissants.

Le grand avantage que le pays a eu à faire exécuter son colossal réseau de lignes ferrées (près de 200.000 milles en 1892) sans qu’il en coûtât presque aucune subventions en argent au Trésor, est compensé par l’abandon d’un principe de droit public, à savoir : que les grandes voies de communication, les chemins du Roi, comme on disait autrefois, doivent être ouvertes librement à tous et sans aucune différence. La réforme de l’état de choses actuel s’impose au peuple américain. Puisse-t-il la réaliser sans verser dans un autre danger : celui de l’exploitation de toutes les voies ferrées par la Nation à des prix insuffisants pour couvrir commercialement les frais de construction et d’exploitation, comme la démagogie et le protectionnisme coalisés le demandent !

Mais c’est dans l’état des mœurs publiques qu’il faut chercher le secret de la force redoutable des trusts. Nulle part la puissance de l’argent n’est plus grande et son immixtion dans la politique plus prépondérante. Non seulement ces grands capitalistes, que l’on trouve dans tous les trusts, dominent les