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se produisent. Si en Europe elles nous apparaissent comme des expédients utiles pour passer les temps de dépression industrielle et modérer l’action trop violente de la concurrence, en Amérique elles se présentent surtout comme des exploitations du consommateur, comme des destructions des petits et des moyens producteurs par la force des accumulations de capitaux. De là le point de vue si différent sous lequel les trusts et les kartelle, qui sont au fond la même chose, sont envisagés aux États-Unis et en Allemagne.

En Amérique, les concentrations industrielles se sont d’abord produites sur les chemins de fer et ont amené la réunion de la plupart des nombreuses compagnies, formées à l’origine, dans la main de quelques puissants capitalistes qui, avec quelques créatures, une clique, selon l’expression du pays, dirigent arbitrairement ces compagnies en ne leur laissant qu’une existence nominale. C’est ainsi qu’en 1890 le système des chemins de fer des Van der Bilt comprenait 10 lignes formant un total de 23.710 milles de rails que de nouvelles annexions ont porté l’année suivante à 30.748 milles. Le système du Missouri-Pacific, appartenant à Jay Gould, comprenait 12.267 milles ; cinq ou six autres systèmes avaient de 6.000 à 9.000 milles. Au total près de 140.000 milles ou les deux tiers des voies ferrées américaines étaient placés sous le contrôle de seize syndicats dépendant eux-mêmes de quelques puissantes individualités. En décembre 1890, une conférence représentant seize compagnies et plus de 75.000 milles à l’Ouest de Chicago s’est réunie à New-York dans le but : — 1° d’établir de concert les tarifs ; — 2° d’empêcher les détournements de trafic ; — 3° de répartir équitablement les recettes provenant du transport entre les compagnies ; — 4° de réaliser des économies dans le transport et l’échange des marchandises.

Cette concentration répond dans certains cas à une nécessité de bonne administration et M. Carneggie compare avec quelque vraisemblance ces consolidations à la politique bismarckienne, qui a fait disparaître en Allemagne une douzaine