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courte ; l’énormité des bénéfices provoqua l’érection de quantités d’usines, dont quelques-unes de grande importance étaient armées de tous les perfectionnements. Il fallut bien renoncer à payer des primes de chômage. La baisse se déclara et atteignit des proportions qui dépassèrent ce que les pessimistes pouvaient redouter. Il y eut une longue série d’années très difficiles et elle n’était pas terminée, quand la grande transformation qui s’est opérée dans cette industrie par l’introduction de nouveaux fours est venue trop compliquer la situation pour qu’on puisse encore retrouver les traces du syndicat de 1873.

Ce fait, comme beaucoup d’autres, prouve bien que le cours naturel des choses reprend sa force aux dépens de ceux qui essaient de l’arrêter à leur profit. On peut conclure de l’ensemble des faits sur la matière que le législateur peut se dispenser de s’occuper des syndicats. Il est une loi économique beaucoup plus répressive que celle que l’on ferait et qui suffit. Elle peut se formuler comme il suit : défense d’abuser des syndicats à peine d’être ruinés[1].

C’est à bon droit que nos voisins ont, en 1864, lors de la révision du Code pénal, remplacé l’article 419 par un article 310 ainsi conçu : « Les personnes qui, par des moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou papiers et effets publics, seront punies d’un emprisonnement, etc. » La coalition industrielle en elle-même n’est plus l’objet d’aucune incrimination, si elle n’emploie pas des moyens frauduleux, et les travaux préparatoires indiquent que le législateur belge reconnaît dans toutes ses conséquences la liberté du commerce.

VII. — En une matière si complexe, il faut évidemment tenir compte du milieu social général dans lequel ces combinaisons

  1. M. Marshall, Principles of Economies (2e édit.), t. I, p. 721, compare les kartelle et trusts modernes aux regulated companies de commerce du xviie et du xviiie siècle. L’organisation et les procédés sont les mêmes. Mais les regu­lated companies avaient un monopole légal et elles pouvaient recourir à la puissance publique pour forcer les membres récalcitrants à obéir à leurs règlements. Aujourd’hui ces combinaisons industrielles, reposant purement sur la volonté de leurs adhérents, ne peuvent pas dépasser une certaine limite dans l’usage qu’elles font de leur force. Même en Allemagne les kartelle, quoique favorisés par l’Etat, présentent une mobilité que n’avaient pas les anciennes organisations. Ainsi sur 396 kartelle conclus dans les années 1887-1890, 28 s’étaient dissous spontanément. V. l’article du Dr Grossmann, cité plus haut. Le peu, qui subsiste encore dans ce pays, du principe de la liberté du travail suffit pour modérer la puissance de ces coalitions.