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sorte de syndicat, qui sur une évaluation donnée de la force productrice de chaque entreprise, s’est engagé à lui prendre, moyennant un prix préalablement fixé, une quantité annuelle déterminée, à en opérer la vente et à répartir entre les entreprises syndiquées les bénéfices que l’opération pourrait donner. Ainsi en réglant la vente, on a réglé la production, réduit les excédents, éteint la concurrence et prévenu dans les prix un avilissement dont le consommateur profite peu, mais dont le producteur souffre gravement.

L’entente entre les producteurs et l’établissement de prix différentiels sont pour la vente des moyens puissants, qui ne blessent en rien les règles d’un usage loyal de la liberté commerciale…

La cause des souffrances de l’Ouest est l’absence d’organisation commerciale. La commission verrait avec satisfaction les propriétaires des marais salants de l’Ouest organisés en syndicat, représentés par des comités capables d’en centraliser les intérêts et les forces, abordant, comme l’ont fait leurs rivaux du Midi et de l’Est, la fabrication des produits chimiques, celle de la soude et des savons où ils trouveraient d’importants débouchés pour leur sel[1].

En 1885, lors de la discussion de la loi sur les marchés à terme, le rapporteur du Sénat s’exprimait encore ainsi :

L’art. 419 du Code pénal réprime les fraudes et la calomnie, ce qui est naturel et juste ; mais il s’oppose à la réunion ou à la coalition entre les principaux détenteurs d’une même marchandise ou denrée, ce qui n’est plus conforme aux conditions de la société moderne. Avec un tel article strictement appliqué, on pourrait atteindre sinon tous les syndicats, du moins ceux qui ne présenteraient pas le caractère de personne morale, et ce serait un préjudice grave pour le marché français.

Le Gouvernement déclarait lui-même dans l’exposé des motifs qu’on ne pouvait songer à atteindre « les syndicats financiers, qui sont devenus un fait courant et peut-être même nécessaire… » (chap. v, §9).

Des jurisconsultes très autorisés, comme M. Larombière[2], se sont élevés contre l’application abusive que la jurisprudence

  1. Moniteur du 1er juin 1865. Même dans l’état actuel de la jurisprudence, les syndicats, qui au lieu d’établir un concert pour la fixation des prix, constituent entre leurs membres une véritable société pour la vente en commun de leurs produits ou bien une participation pour la répartition de certains bénéfices ou pour l’assurance de certaines pertes, sont parfaitement légaux.
  2. Traité des obligations, t.I, p. 324, art. 1133, n° 21.