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blés à Chicago de 1882 à 1887, les divers corners sur les cotons qui ont été tentés à Liverpool, celui sur les maïs à Vienne en 1888, et bien d’autres encore.

A première vue il semble que cette manœuvre doive infailliblement réussir, si les spéculateurs coalisés sont assez puissants et ont assez de crédit. Cependant un petit nombre seulement de corners ont été couronnés par le succès et ils l’ont dû à des circonstances tout exceptionnelles. En effet, voici où est le vice de l’opération : s’agit-il de produits naturels du sol, blé, café, coton, les centres d’approvisionnements sont multiples, les stocks invisibles et les petites réserves sont nombreuses et le bas prix des transports permet, quand il y a une hausse exagérée sur un marché, de les apporter des points les plus éloignés du monde. Ainsi en 1889, quelques cargaisons de blé de Roumanie ont été importées aux États-Unis !Sans aller jusqu’à des importations matérielles, il suffit qu’une forte différence de prix se produise, par exemple sur les blés entre Londres et les marchés américains, pour que des arbitrages de place en place amènent la baisse à Chicago et à New-York (chap. vii, § 11). S’agit-il de produits des mines ou des fabriques, comme les filés, les peignés, les fontes, les fers, les cuivres, les étains, la production se développe rapidement ; car les mines et les usines modernes sont toutes outillées pour produire beaucoup plus que leur production normale. D’autre part, l’élévation des prix a pour effet de resserrer la consommation. Minotiers et filateurs, comptant sur la baisse prochaine, n’achètent que juste le blé ou le coton nécessaire à leur consommation journalière, en sorte que les stocks s’accumulent en quantités indéfinies. Voilà pourquoi aucun corner ne peut dominer le marché d’une manière permanente et son influence perturbatrice n’est que temporaire. L’Economist du 6 septembre 1890 le disait à propos de l’échec d’un nouveau corner sur les cotons à Liverpool :

Cela prouve une fois de plus que, dans les conditions ordinaires de l’offre et de la demande, il est heureusement aujourd’hui impossible de faire réussir un corner sur une marchandise, dont la production