Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

Railway, donna un jour une information importante à un diacre de son église, mais en lui recommandant expressément de ne la communiquer à personne. Le diacre, comme Daniel Drew l’avait présumé, n’eut rien de plus pressé que de la répéter à tous les diacres de sa connaissance. Ils en firent usage à leur détriment et au grand bénéfice de Daniel Drew. Le premier diacre vint le trouver la mine allongée et se plaignit du résultat désastreux de son information confidentielle. Sur quoi Daniel Drew, reconnaissant que son ami pouvait avoir été induit en erreur par son fait, lui paya complètement le montant de sa perte. Mais, répartit le diacre, il y a aussi le diacre Jones, le diacre Brown et le diacre Smith qui ont fait de lourdes pertes. C’est possible, répliqua le bienveillant spéculateur ; mais ne vous avais-je pas recommandé de ne rien leur dire de ma confidence ?

La multiplication même des achats à terme ou des ventes à livrer peut influencer les cours en hausse ou en baisse, et, quelle que soit pour les joueurs l’issue de leurs manœuvres, elles ont toujours le grave inconvénient de fausser les cours ; car la cote du disponible est forcément influencée par celle du terme[1]. Si cette manœuvre est poussée jusqu’à un certain point, elle peut même aboutir à l’accaparement (chap.viii, §2). Pendant près de trois ans, le marché des fontes écossaises, qui se tient à Glascow, et où toutes les affaires se font sur les récépissés des docks dans lesquels les fontes sont emmagasinées, a été troublé par un groupe de spéculateurs de Londres, absolument étrangers à la production et au commerce régulier des métaux. Ils ont à diverses reprises fait monter artificiellement les warrants de fonte de 42 shellings à 58, puis les ont ramenés en arrière sans qu’un changement dans les conditions de l’industrie se fût produit. Ces transactions portaient sur des futures et se réglaient exclusivement par des différences. Pendant ce temps, les fontes anglaises, dont le marché est à Cleveland et à Middle-borough,

  1. C’est à tort que certains auteurs ont nié l’influence possible des opérations fictives sur les cours. Elle est très réelle. V. Arthur Crump, op.cit., p.21, et David Cohn, op. cit., pp. 73-74. Cf. the Economist, 4 et 11 février, 15 septembre 1888. D’après les règles du Cotton Exchange de la Nouvelle-Orléans, toute personne, qui a fait enregistrer une vente fausse, est punie de l’expulsion. La Caisse de liquidation du Havre punit de peines disciplinaires « le courtier garant convaincu d’avoir laissé en blanc le nom du contractant ou d’avoir fait enregistrer un contrat sans avoir au préalable conclu l’affaire ».