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La meilleure distinction qui ait été faite en cette matière est celle du nouveau Code pénal hongrois, art. 416, § 1. Il punit des peines de la banqueroute « celui qui s’est rendu insolvable par des jeux de bourse et par des spéculations ne rentrant pas dans le cercle normal des ses affaires ». En effet les gens qui, sans être commerçants, sans être de la partie, font des spéculations commerciales, sont non seulement coupables d’une imprudence grave, mais ils sont des parasites. Ils ne participent en rien au grand service de l’approvisionnement par lequel les opérations, qui de près ou de loin y concourent, trouvent leur justification. Ils opèrent à vide et généralement à faux ; car ils se précipitent aveuglément du coté où l’entraînement commun fait déjà pencher le marché. Non seulements ils se nuisent à eux-mêmes, mais encore leurs opérations factices peuvent dans certains cas fausser les cours en trompant les négociants sur l’état réel des offres et des demandes. C’est ce genre de spéculateurs que les règlements des corporations commerciales cherchent à exclure du marché.

XVI. — Le jeu sur les différences de valeur des marchandises n’en reste pas au point que nous décrivions tout à l’heure, ou du moins c’est le cas des petits spéculateurs et des simples qui s’aventurent à l’aveugle sur cette mer pleine d’écueils.

Les grands joueurs cherchent à faire arriver l’événement, — hausse ou baisse, — sur lequel ils ont parié : c’est ce qui constitue l’agiotage (§ 1) et ce qui fait au point de vue moral son caractère absolument coupable[1].

Les haussiers (bulls) et les baissiers (bears) sont organisés en deux partis qui se livrent des luttes acharnées, en employant

  1. Étymologiquement, agio veut dire la différence entre la valeur portée dans une lettre de change et le prix pour lequel elle est négociée. L’expression d’agiotage été employée d’abord pour désigner les spéculations sur les différences de valeur entre le papier-monnaie et les espèces métalliques. En soi, ces spéculations sont parfaitement légitimes et elles sont le seul frein efficace aux folies et au despotime des gouvernements qui recourent au papier-monnaie. L’on comprend dans quel but intéressé les gouvernements ont cherché à flétrir ces spéculations. Toutefois il faut reconnaître qu’elles ont dû bien souvent donner lieu aux manœuvres coupables que nous décrivons au texte.