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des constitutions pontificales durent même, à Rome, défendre les paris sur l’élection du futur pape ou la nomination des cardinaux[1].

Quand les marchés à terme furent entrés dans les usages commerciaux, les négociants et même les gens étrangers au commerce qui voulaient jouer ont imaginé de le faire en simulant une vente à terme : ni l’une ni l’autre partie n’admet l’hypothèse d’une livraison ; tout se borne au paiement d’une différence dans un sens ou dans l’autre, selon qu’au jour de la livraison le cours de la marchandise est plus élevé ou plus bas[2]. Tel est, par exemple, le cas de ce coiffeur marseillais, pour prendre l’espèce d’un arrêt de la Cour d’Aix, qui achète le 1er mars 10.000 quintaux de blé à 27 francs, livrables fin avril ; cela veut dire que si, à ce moment, le blé vaut 28 francs, le vendeur devra payer à l’acheteur 10.000 francs ; s’il est tombé à 26 francs, c’est l’acheteur qui devra les payer au vendeur. On joue de même au Havre sur les cafés et les cotons, à Reims sur les laines, à Paris sur les huiles et les sucres, partout sur les valeurs mobilières.

Les anciens arrêts du Conseil, qui défendaient les opérations à terme sur les fonds publics, ne visaient pas les marchandises. C’est la Convention qui imagina de prohiber absolument tout marché à terme pour déjouer les agioteurs qu’elle accusait de l’échec du maximum[3]. Ces lois

  1. Bulle de Pie IV, In eligendis ; bulle de Grégoire XIV, Cogit nos.
  2. En 1760, à Londres, la fureur du jeu était telle que de nombreux paris s’engageaient sous forme de ventes de lentilles vertes à livrer au moment de la récolte. L’apparition sur le marché des premières lentilles était attendue avec impatience, car c’était le moment du règlement de ces prétendues ventes. V. Mortimer, Every man his own broker (London, 1761), cité par David Cohn, op. cit., p, 100.
  3. Décret du 13 fructidor an III, art. 3 : « Tout homme qui sera convaincu d’avoir vendu des marchandises et effets dont, au moment de la vente, il ne serait pas propriétaire, est aussi déclaré agioteur et puni comme tel. » La loi du 28 vendémiaire an IV défend aussi les ventes à terme de marchandises sous les peines les plus sévères.