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dans ses opérations et y apportent leurs capitaux et leur sagacité. Il faut prendre les hommes comme ils sont, non comme ils auraient pu être dans une autre création.

Etant donnée cette manière de régler un très grand nombre d’opérations, il n’y a rien d’étonnant à ce que les quantités sur lesquelles elles portent dépassent de beaucoup les stocks existants. Les marchandises sont comme multipliées par le nombre des transactions dont elles sont l’objet. C’est ainsi qu’à Anvers, en 1888, les affaires en laines peignées se sont chiffrées par un déplacement réel de 3 millions de kilogrammes et par des transactions pour 30 millions de kilogrammes ; en 1889, le chiffre en est monté à 60 millions[1]. Dans le premier semestre de 1887, à New-York, les ventes en disponible avaient été de 48.836.000 bushels et les ventes à terme de 867.594.000 bushels, soit 17 fois plus environ. Ce dernier chiffre représente presque le double de la production annuelle moyenne des États-Unis. L’écrivain qui a recueilli ces chiffres calculait que l’ensemble des marchés à terme pendant l’année sur les différentes places américaines qui traitent les blés devait dépasser quatre milliards de bushels, soit deux fois la récolte totale du monde[2] ! On a signalé à plusieurs reprises des faits semblables sur le marché des cotons à Liverpool, sur celui des cuivres à Londres[3]. Sans doute, de pareils chiffres correspondent à des périodes de vive spéculation ; mais en soi il n’y a rien que de normal à ce que le montant additionné des ventes à terme dépasse de beaucoup les existences disponibles[4].[fin page260-261]

  1. V. le Leipziger Monatsschrift fur textil Industrie, cité dans le Bulletin des laines de Roubaix-Turcoing, n° du 8 février 1890.
  2. Stevens, Futures in the wheat markets, dans the Quarterly Journal of Eco­nomies, de Boston, octobre 1887. Le 17 août 1891, entre neuf heures du matin et trois heures de l’après-midi, il s’est vendu dans le New-York Produce Exchange 21 millions de bushels de blé, tandis que les stocks visibles des États-Unis, à cette date, s’élevaient seulement, d’après les bulletins officiels, à 19.556.682 bushels. V. the Increase of gambling and its forms, by W. B. Curtis, dans the Forum (New-York), octobre 1891.
  3. L’Economiste français du 31 décembre 1887.
  4. Il y a à ce point de vue de grandes différences entre les marchés. Ainsi, à Buda-Pesth, d’après les relevés faits par M. David Cohn, en 1884, les transactions effectives, ventes en disponible, ont été de 6.643.000 quintaux métriques et les opérations à terme de 9.036.500 quintaux : en 1888, les transactions en disponible ont été de 8.085.000 quintaux métriques et les opérations à terme de 11.694.900 quintaux métriques. Quant aux contrats constatant ces opérations a terme (schlüsse), sur 9.595 en 1884, 1.021 ont été liquidés par une livraison effective (10,64 p. 100) et 8.574 par compensation (89,36 p. 100) ; en 1888, sur l3.069 contrats, 1.836 ont été liquidés par une livraison effective (16,35 p. 100) et 11.233 par compensation (83,65 p. 100) (op. cit., pp. 65-66).