Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée

et à chaque manufacturier. C’est d’après ces données qu’il forme son opinion et base ses demandes pour la conduite de ses affaires.

Or, chaque manufacturier et chaque commerçant doit constamment être aux aguets pour savoir les prix qu’il aura à payer ou ceux auxquels il pourra vendre. Il s’assure des approvisionnements à l’avance sur les prix tels qu’il les estime. Mais un commerçant, s’il est sage et prudent, ne s’engagera pas absolument et sans réserves à faire ou à prendre livraison des quantités de marchandises portées en ses contrats. Des informations subséquentes sur l’état des récoltes et des stocks peuvent modifier matériellement les conditions sur lesquelles il avait basé ses estimations. Il doit donc se réserver, s’il le peut, de repasser ses contrats à la première occasion favorable de manière à prévenir ou à limiter les pertes qui pourraient résulter pour lui d’un changement dans les conditions du marché. Cet effort pour se protéger soi-même est rationnel et il n’y a aucun motif pour le déclarer illégal.

… Sans doute, il est immoral de recevoir l’argent de quelqu’un sans rien lui donner en échange ; mais tout commerçant est obligé de prendre à sa charge des risques résultant d’une hausse ou d’une baisse des prix, et ces risques sont l’objet de ces transactions. Elles n’ont rien d’immoral[1].

VIII. — Les conditions des ventes maritimes et les opérations des marchés à terme ne peuvent pas être réglées minutieusement par les parties, comme la vente d’une terre passée devant notaire. La majeure partie des transactions dans les bourses de commerce, comme dans les bourses de valeurs, sont purement orales. Non seulement la rapidité des transactions commerciales ne se prête pas à des contrats dont chaque détail serait débattu et elle exige la fixation préalable des conditions générales de ces marchés ; mais le fait même que ces ventes portent sur des choses fongibles a nécessité la détermination des types marchands.

Les usages sont la loi du commerce. Encore faut-il que ces usages soient constatés, établis et modifiés selon les circonstances. C’est ce qu’ont fait les grandes corporations

  1. The Picayune de la Nouvelle-Orléans, du 11 octobre 1891.