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sont plus élevées que la cote du mois courant ou du disponible, les détenteurs vendent à des capitalistes des parties en disponible et les leur rachètent à terme à un prix légèrement supérieur qui constitue le report. Un industriel, un négociant, allège ainsi son stock, sans autre sacrifice que le prix du report ou la différence des deux ventes ; il ne sacrifie pas sa marchandise, comme par une vente définitive[1].

Cette opération est analogue au warrantage d’une marchandise déposée dans un magasin général ; mais la forme en est plus souple et elle est moins onéreuse. Le report sur marchandises est une pratique qui commence à peine à se produire sur quelques places. On ne saurait trop en souhaiter le développement ; c’est un emploi des capitaux disponibles, dont disposent les banquiers, beaucoup plus utile au point de vue général que les reports faits à la Bourse sur les valeurs de spéculation.

Le marché à terme est aussi en règle générale favorable aux producteurs ; car il assure un débouché constant à leurs produits. Sans lui, il y aurait de longues périodes pendant lesquelles les agriculteurs ne trouveraient pas à vendre leurs produits ou ne pourraient le faire qu’à des marchands locaux portés par l’absence de concurrence à les exploiter. C’était autrefois une des formes de l’usure dont on retrouve partout la trace (chap. vi, § 6). Elle était infiniment

  1. M. Paul Dedyn, dans un rapport à la chambre de commerce de Verviers, expose ainsi l’opération qui peut se produire dans la situation inverse : « Dès que le stock du peigné correspond aux besoins courants, le report disparaît et par le fait l’opération de report qui détient la marchandise n’est plus employée. Le peigné ayant la même valeur sur le mois courant que sur les mois suivants, le stock est offert immédiatement… Personne n’a plus intérêt à vendre au même cours sur le mois courant ; car cette opération ne donnerait qu’une perte d’intérêts… Pour finir, si, à la fin de la saison, les stocks étaient réduits, la hausse se ferait d’une façon anormale par l’accaparement de la marchandise par certains consommateurs pour leurs besoins des premiers mois de l’année suivante. Le terme vient corriger cet état de choses par la cote qui naturellement s’établit en déport. Cette situation engage ceux qui détiennent la laine à la jeter sur le marché au prix du jour, puisqu’ils peuvent couvrir leurs besoins sur les mois de la nouvelle tonte avec un déport, qui est de plus en plus fort suivant la tendance du marché ou l’époque de la livraison plus ou moins éloignée. » Bulletin des laines de Roubaix-Turcoing, n° du 8 février 1890.