Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

Des études statistiques faites sur le marché du blé et du seigle à Berlin, de 1850 à 1890, par M. Moritz-Kantorovitz ont permis de comparer les prix du terme pendant ces 49 ans sur les mois de printemps et d’automne, pour lesquels les ventes à livrer sont faites, avec les prix qui, à ces mois-là, avaient été effectivement pratiqués en disponible[1]. Il en est résulté que les écarts soit en plus soit en moins de la spéculation à terme sur les faits qui s’étaient réalisés, autrement dit ses erreurs de prévision, allaient toujours en s’atténuant. De 15 p. 100, elles étaient tombées à 5 p. 100, Il a fallu les perturbations causées par le relèvement des droits de douane pour augmenter ces écarts dans les cinq dernières années. Des études semblables faites sur les mercuriales du marché de Buda-Pesth par M. David Cohn mettent le même fait en pleine lumière. Est-ce parce que les facultés intellectuelles des spéculateurs vont en s’affinant ? Peut-être ; mais c’est surtout parce que la direction donnée au commerce par les ventes à terme de la spéculation comparées aux cours actuels du disponible a précisément pour effet d’atténuer l’effet des éléments accidentels d’appréciation, de ce que les Allemands nomment die konjonctur et que nous appelons l’impressionnabilité du marché. Les méthodes commerciales, dont l’emploi est encore nouveau sur bien des marchés, deviennent d’un usage plus sûr. Les différences effectives, qui se produisent entre la prévision et l’événement, sont dues à l’abondance plus ou moins grande des récoltes, chose que personne ne peut prévoir avec certitude.

L’existence d’un marché à terme régulier permet aux capitalistes d’apporter aux industriels et aux négociants le secours de leurs capitaux, dans les mêmes conditions qu’ils le font pour les spéculateurs à la Bourse par le mécanisme des reports. Voici comment se pratique cette opération : quand les cotes des mois prochains, époques des livraisons futures,

  1. Die Wirksamkeitder Speculation im Berliner Kornhandel 1850-1890, dans le Jarhbuch für Gesetzgebung, Verwaltung, de Schmöller (Leipzig, 1891), pp. 221 et suiv. Comparez David Cohn, Der getreide terminhandel, pp. 110 à 123, et un article de M, Raffalovich, dans l’Economiste français du 6 février 1892.