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d’appui pour des opérations dont le but est d’accaparer momentanément le marché (chap. viii, § 2).

V. — Dans les opérations à terme, le vendeur doit livrer la marchandise à une époque déterminée. S’il ne l’a pas actuellement, la vente est dite à découvert. On a parfois prétendu, par une mauvaise argumentation scolastique, que ces contrats étaient illégitimes parce qu’ils portaient sur des choses futures n’existant pas encore dans la nature. Ce raisonnement est faux ; car les parties ont traité non pas sur des corps certains, sur des objets déterminés dans leur individualité, mais sur des choses fongibles ; il y a une certitude morale absolue pour le vendeur de pouvoir se procurer ces objets ; ce n’est qu’une question de prix[1].

Les opérations à terme sont indispensables à l’industrie : elle a besoin de compter sur des livraisons de matières premières à des époques fixes et à des prix déterminés pour établir ses prix de revient. Les chemins de fer, toutes les grandes usines s’assurent à l’avance leur approvisionnement en charbon par des marchés de ce genre. Les soumissions de fournitures faites à l’armée et aux établissements publics sont aussi des marchés à terme[2]. La situation est, en réalité, la même que celle de l’acheteur à crédit, qui achète légitimement, quoiqu’il n’ait pas en sa possession actuelle l’argent qu’il s’engage à payer au terme convenu.

Pour que les commerçants et les soumissionnaires fassent face à ce service régulier d’approvisionnements, il faut qu’à leur tour ils stipulent des livraisons qui leur seront faites aux époques correspondant à leurs engagements. Si nos négociants en blé ou en coton devaient emmagasiner tout le blé et tout le coton qu’ils devront livrer aux minoteries et aux

  1. V. sur ce sujet Etude sur les marchés à terme en marchandises et leur liquidation, par Olivier Senn (Paris, Guillaumin, 1888) ; Der Waren Terminhandel, seine Technik und volkswirthschftliche Bedeutung par le Dr K. J. Fuchs (Leipsig, Duncker und Humblot, 1891) ; Der Getreide Terminhandel, par David Cohn (Leipzig, Duncker und Humblot, 1891).
  2. Les gouvernements ont de tout temps eu recours aux marchés à livrer pour s’assurer leurs fournitures, non que cette manière de procéder leur soit particulière, mais parce qu’ils sont de grands consommateurs et qu’autrefois ils étaient les seuls à avoir des besoins aussi considérables.