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en Angleterre et en Amérique, s’est acclimaté en France depuis 1848 et surtout depuis 1858. Il offre des facilités précieuses de crédit, sans gêner le commerçant dans la disposition de sa chose. La Banque de France accepte les warrants comme l’équivalent d’une troisième signature, d’après un tarif variable suivant la nature des marchandises. L’endossement de warrants est devenu une garantie usuelle dans les relations des négociants avec leurs banquiers. De plus, les compagnies qui exploitent les magasins généraux peuvent, depuis la loi du 31 août 1870, faire directement des avances sur les marchandises déposées dans leurs docks. Cette extension de leur rôle est fâcheuse. Ces établissements devraient se borner à leur fonction de dépositaire et il serait utile qu’ils fussent établis par les grandes corporations commerciales (§ 8) comme des services publics locaux[1].

Quoique l’on puisse warranter toutes sortes de marchandises, même des produits achevés, c’est surtout sur les matières premières ou les objets de grande consommation (blés, sucres, huiles, alcools, filés, peignés de laine) que la pratique des warrants est utile au commerce. Dans les temps de dépression des prix, le montant de l’avance est presque égal à la valeur de la marchandise, et, comme le taux de l’intérêt n’est pas élevé, le warrant permet au négociant de conserver la disponibilité presque complète de son capital, de prolonger sa position dans l’attente d’une hausse ; par conséquent, son emploi tend à éviter les dépréciations extrêmes des cours. Parfois néanmoins c’est un point

    mêmes types, ce qui peut amener leurs directeurs à spéculer eux-mêmes sur les marchandises ainsi déposées. C’est là un abus de confiance passible de la loi pénale. Malgré les dispositions de notre loi, en 1890, le directeur des Docks de Saint-Ouen, un nommé Dumont, a détourné au préjudice de déposants ou de porteurs de warrants réguliers 4.260.934 kilogrammes d’huile sur les 5.121.814 kil. dont il était dépositaire. Il a été condamné par la Cour d’assises de la Seine. C’est aux porteurs de warrants à s’assurer que leur gage existe réellement. L’autorisation préfectorale exigée pour la création de ces établissements ne signifie nullement que le gouvernement les surveille. Elle ne peut qu’induire en erreur les intéressés.

  1. En établissant, en 1888, à Vienne des magasins généraux publics qui délivrent des warrants, le législateur leur a expressément interdit de faire eux-mêmes des prêts sur leurs warrants (the Economist, 28 avril 1888).