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Grâce précisément à l’existence d’un commerce de spéculation organisé d’une manière permanente et aux procédés qu’il emploie (§ 11), il n’est pas nécessaire que les marchandises soient toutes apportées matériellement sur les grands marchés. Les produits des champs et des mines peuvent rester emmagasinés dans les centres commerciaux secondaires établis près des lieux de production. Les négociants établis sur les marchés régulateurs, qui sont tenus au courant par toutes sortes d’informations de la consistance des stocks visibles, comme on appelle les existences emmagasinées dans ces conditions, les dirigent au moment voulu sur le point où la consommation les réclame par un télégramme envoyé à leur agent, voire par un signal sémaphorique adressé à une cargaison flottante, bientôt sans doute aussi par un ordre téléphoné.

Le résultat de cette organisation est que les approvisionnements tendent presque toujours à dépasser les besoins de la consommation. De là ces stocks importants de blé, de coton, de sucre, qui existent dans les entrepôts au moment de la nouvelle récolte et qui empêchent des paniques de se produire quand on est encore incertain sur son résultat. Autrefois, au contraire, l’approvisionnement tendait habituellement à rester au-dessous de la consommation. Un pareil changement fait sentir ses effets sur toutes les parties de l’ordre économique. Le taux des bénéfices commerciaux s’est réduit depuis trente ans par un phénomène semblable à celui de la baisse de l’intérêt et de la diminution des profits industriels (chap. ii, § 5) ; et à son tour, nous l’avons vu (chap. vi, §9), cette réduction du taux des profits pousse encore à la concentration du commerce.

On peut s’en faire une idée en étudiant les transformations du commerce des céréales en Angleterre dans ce siècle[1].

    dérance jusque-là absolue et de développer à son détriment ceux de Londres et de Zurich. V. le Monde économique du 3 janvier 1891.

  1. Der Englische Getreidehandel und seine Organisation, par le Dr Karl Fuchs (Leipzig, 1890). M. Raffalovich en a donné un excellent résumé dans l’Economiste français des 6 septembre et 15 novembre 1890.