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et de les reprendre de lui comme tenanciers perpétuels chargés d’une redevance du cinquième des produits[1].

Une pareille spéculation choque les idées que nous nous faisons aujourd’hui du rôle de la Souveraineté : les anciens ne le comprenaient pas ainsi. Mais en elle-même elle est conforme à la stricte justice et l’Écriture la cite à l’éloge de la sagesse de Joseph. En effet, très profitable à la Couronne, elle avait en même temps assuré au peuple la conservation de sa vie.

Aristote relate également un certain nombre de spéculations plus discutables, parce qu’un élément d’accaparement s’y mêlait[2].

Le jeu, que l’on condamne justement au point de vue moral, parce qu’il dégrade celui qui s’y livre et compromet l’accomplissement de ses devoirs, est précisément l’inverse de la spéculation. Au lieu de chercher un gain dans l’appréciation des conséquences de faits réels sur le marché, le joueur le demande exclusivement au hasard (§ 15).

Il faut aussi distinguer soigneusement la spéculation, qui est la prévision rationnelle des variations des prix, de deux abus qui peuvent s’y superposer : lagiotage et l’accaparement. Lagiotage, selon la définition de Daguesseau[3], consiste dans des manœuvres ayant pour but de provoquer artificiellement la hausse ou la baisse. Quant à l’accaparement, c’est la constitution d’un monopole par des particuliers dans le but de supprimer la concurrence.

Dans le langage courant, ces quatre expressions sont souvent prises l’une pour l’autre ; mais l’on ne saurait trop éclaircir ces idées et distinguer ces choses. Ce qui explique cette confusion, c’est que les mêmes personnes se livrent

  1. Genèse, chapitres 41 et 47.
  2. Politique, liv. I, chap. iv, § 6.
  3. Œuvres, t. X, 2e partie, p. 176. « Dans le sens qu’on y attache aujourd’hui l’agiotage signifie cette espèce de commerce du papier, qui ne consiste que dans l’industrie et le savoir faire de celui qui l’exerce, par le moyen duquel il trouve le secret de faire tellement baisser ou hausser le prix du papier soit en vendant ou en achetant lui-même qu’il puisse acheter à bon marché et revendre cher. »