Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

Depuis le xviie siècle tout le commerce maritime lointain en France, en Angleterre, en Hollande, était exercé par de puissantes compagnies investies d’un monopole et même de quelques-uns des attributs de la souveraineté. Les industries manufacturières nouvelles obtenaient souvent au xviiie siècle la concession d’un monopole, surtout dans les pays arriérés. Dans la Sicile et le malheureux royaume de Naples, sous l’inintelligente domination des Espagnols, presque tous les commerces, presque toutes les industries étaient monopolisés[1]. Il en était de même dans les États allemands et particulièrement en Prusse.

Frédéric II, dit Mirabeau, dans son Histoire de la monarchie prussienne, avait une espèce de passion pour les compagnies de commerce : compagnie de l’Elbe, compagnie de l’Oder, compagnie du Levant, compagnie des harengs, compagnie du sel, compagnie d’assurances, compagnie maritime, compagnie du bois à brûler, etc., etc. : telle est en masse la bizarre nomenclature des sociétés monopoleuses qu’il établit.

La première de ces compagnies entreprit le commerce des grains sur deux des plus grands fleuves de l’Allemagne ; c’est en 1750 que fut créée celle des Indes, à Emden ; Frédéric II avait déclaré port franc cette petite ville dans cette unique vue ; mais une compagnie si peu naturelle tomba en 1769 et de ses débris il s’en forma, dans la même ville, une pour la pêche du hareng.

« En 1774, Frédéric accorda le commerce exclusif du sel de mer et des cires à une compagnie, avec liberté de faire le commerce maritime sous son pavillon. En 1765, il donna le tabac en ferme à une autre compagnie.

« Enfin Frédéric II, dans son âpre climat, ne craignit pas de privilégier une compagnie pour la vente du bois à brûler à Berlin et à Potsdam et le fit ainsi monter à un taux excessif. Persuadé qu’il était indifférent que tels ou tels, dans son pays, retirassent les profits du commerce, ou comment ils les percevaient, pourvu qu’en effet on y gagnât, convaincu que les compagnies faisaient moins la contrebande que les particuliers, séduit par l’appât des sommes que lui offraient toutes ces associations, Frédéric II s’y prêtait avec complaisance et leur accordait des faveurs signalées, sans lesquelles

  1. V. Tommaso Fornari, Delle teorie economiche nelle provincie Napolitane del secolo XIII al 1734 (Milano, 1882), p. 12 et passim.