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ils, entendre le prix qui se serait établi, s’il n’y avait pas eu de monopole ; la charité seule pouvait être lésée, selon les circonstances, si cette limite n’avait pas été dépassée[1].

Ces discussions se trouvent avoir aujourd’hui une application nouvelle. En effet, si les accaparements commerciaux, qui se produisent de temps à autre, sont évidemment coupables au point de vue moral, on ne peut qualifier ainsi les combinaisons qui se forment entre producteurs pour amortir entre eux la concurrence et vendre leurs produits à un prix rémunérateur. C’est là l’objet des syndicats, des Kartelle, des pools, qui se forment partout dans le monde industriel moderne (chap. viii, § 6). C’est le cas aussi de toutes les unions ouvrières, qui cherchent à faire porter leur salaire au plus haut point et qui y réussissent souvent, avec l’approbation générale de l’opinion[2].

Mais il faut absolument sauvegarder la liberté des industriels, qui ne veulent pas faire partie de ces combinaisons. La liberté du travail peut seule empêcher les membres des syndicats de dépasser les prix qui assurent une rémunération suffisante à l’industrie, précisément ce que les casuistes appelaient le summum justum pretium. Tout écart de leur part amène, en effet, de nouveaux concurrents dans le champ industriel.

XI. — Parmi les grandes entreprises de notre époque, un certain nombre doivent la majeure partie de la plus-value de leurs capitaux au monopole que l’État leur a concédé et sont devenues, grâce à ces privilèges, de véritables puissances. En France, par exemple, l’action de la Banque de France de 1.000 francs dépasse 4.000 francs, celle du Crédit Foncier émise à 500 fr. touche à 1.200 francs. Ne sont-ce point là des constitutions abusives de capitaux et le régime moderne ne reproduit-il pas un des principaux abus de l’ancien ?[fin page222-223]

  1. V. Gury, Theologia moralis (édit. H. Dumas) n° 914, 915 et suiv, Ballerini-Palmieri, Opus theolog. morale, t. III, pp. 694-699.
  2. V. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. I, p. 709.