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Il y a des monopoles naturels résultant de la propriété de certains terrains favorisés par la nature, comme les grands crus, ou d’emplacements auxquels des besoins spéciaux donnent une grande valeur. De véritables monopoles résultent aussi de l’excellence dans l’exercice d’une profession libérale ou mécanique. Ceux à qui cette position privilégiée est faite peuvent, au moins en justice, en tirer librement parti, c’est-à-dire pousser le prix de leurs produits ou de leurs services jusqu’au point où ceux qui voudront en jouir consentiront à les payer[1]. Ainsi font les grands chirurgiens, les avocats célèbres, les propriétaires des côtes ensoleillées de la Méditerranée.

Heureusement la Providence a voulu que ces objets en quantité strictement limitée ne fussent pas de première nécessité. S’ils l’étaient, comme les subsistances dans une ville assiégée, le pouvoir public aurait le droit de les taxer, ou plutôt de les réquisitionner moyennant une indemnité équitable[2].

Dans l’ancien état matériel du monde, il y avait, par suite de l’isolement dans lequel chaque localité vivait, une foule de monopoles de ce genre, forêts, gîtes de fer, chutes d’eau, etc. Instinctivement les peuples avaient tourné la difficulté en laissant plus ou moins les forêts dans le régime de la communauté et en faisant des moulins l’objet de banalités seigneuriales ou communales. Plus les communications se développent, plus ces monopoles deviennent rares et se réduisent à des objets de luxe. Des procédés chimiques permettant d’extraire l’acide sulfurique des pyrites ont enlevé aux gisements de soufre de Sicile leur antique monopole. Les découvertes de nouveaux gîtes minéraux dans les contrées les plus diverses produisent le même résultat. Le pétrole du

  1. V. les auteurs cités par Ballerini et Palmieri. Ils combattent leur solution par des raisons qui nous paraissent reposer sur une erreur d’analyse économique. Opus theologicum morale, t. III, pp. 679-680.
  2. Le propriétaire d’une source, qui fournit aux habitants d’une commune, hameau ou village, l’eau qui leur est nécessaire, ne peut en changer le cours : il peut seulement réclamer une indemnité, s’il n’y a pas titre ou prescription au profit des habitants (art. 643 du Code civil).