Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée

font appel aux mêmes mesures législatives contre les sociétés coopératives qu’ils le font chez nous contre les grands magasins. Vraisemblablement, beaucoup de petits commerçants, qui ne sont qu’intermédiaires, sont destinés à être éliminés. Ceux qui sont en même temps producteurs, qui créent ou réparent des produits selon le goût individuel du client et lui donnent en quelque façon une garantie personnelle, les tailleurs, les armuriers, les horlogers, par exemple, se maintiendront toujours s’ils savent se syndiquer pour acheter en commun les matières premières, pour créer des marques de fabrique collectives, s’ils usent, en un mot, de toutes les ressources de l’association.

L’État ne saurait légitimement détruire les grands magasins pour maintenir artificiellement une classe moyenne de petits commerçants, quelque intéressante qu’elle soit. Tout ce qu’il peut, c’est de favoriser leurs associations, de leur accorder les dégrèvements fiscaux nécessaires, de mieux proportionner, s’il y a lieu, les impôts grevant les établissements commerciaux à leurs bénéfices respectifs[1]. Mais il doit se garder d’établir sur les grands magasins un impôt progressif : d’abord à cause de son injustice absolue ; l’État n’a pas plus le droit d’empêcher un commerçant d’avoir un grand magasin qu’un propriétaire d’avoir beaucoup de terres ; puis parce que l’étude des faits a montré qu’à Paris les mesures fiscales excessives dirigées contre les grands magasins auraient pour résultat unique d’en laisser subsister deux seulement et de supprimer des entreprises moyennes organisées sur ce type, qui maintiennent au moins entre eux la concurrence.

X. — L’expression de monopole indique la position d’un individu ou d’une association, qui est seul à vendre un objet.

  1. Il faut se garder, dans le remaniement des lois sur les patentes, de chercher à faire prévaloir par des taxes différentielles la spécialisation dans la vente des produits. La spécialisation dans le commerce comme dans la production varie incessamment suivant une foule de considérations économiques générales et locales. Un des plus grands abus des corporations d’autrefois était de l’imposer. C’est souvent en vendant plusieurs produits divers qu’un petit marchand ou fabriquant arrive à faire des bénéfices, là où ses concurrents plus routiniers se trouvent en perte.