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leurs tarifs aux expéditeurs, qui s’engagent à ne faire transporter à aucune époque de marchandises par des steamers étrangers à la Conférence (c’est le nom que ce syndicat s’est donné). Aux mois de mai et de juin, époque des expéditions de thé, des steamers viennent solliciter les exportateurs et leur offrir des frets plus bas. C’est ainsi que des navires de la Mogul Steamship C°, pour triompher de la Conférence, offrirent des frets très bas auxquels celle-ci répondit par un abaissement tel de ses tarifs que la Mogul Steamship C° ne put obtenir quelques frets à Shang-Hai et à Hong-Kong qu’à des taux ruineux. Elle imagina alors d’actionner en dommages-intérêts les compagnies coalisées, comme ayant empêché l’exercice de son industrie.

Sa demande fut repoussée en première instance par lord Coleridge, qui déclara que la concurrence dans le commerce comme au barreau, comme dans la vie publique, entraînait forcément l’élimination d’autrui. Ce jugement fut maintenu par la Court of appeals. Cependant l’un des juges, lord Esher, donna, son avis en faveur des plaignants, parce que « la Conférence avait abaissé ses frets bien au-dessous de ce que comportait son but commercial, à un taux si bas que si elle eût dû continuer, elle se serait ruinée ». Mais la majorité de la cour suivit l’avis de lord Bowen, d’après qui on ne saurait pas plus poser de limites à la concurrence commerciale qu’aux flots de la mer, lorsque d’ailleurs, comme dans le cas prévu, on ne peut alléguer aucune fraude. « L’usage général du commerce, ajoutait-il, est de sacrifier la récolte d’une année comme une semence pour faire des gains futurs et l’on ne peut incriminer personne pour vendre à plus bas prix qu’au taux qui peut paraître rémunérateur[1]. »

Même quand elle ne viole aucun principe positif de justice, la concurrence entraîne souvent à des actes dont la dureté a quelque chose de blessant. Il peut y être remédié seulement par les règles que des syndicats professionnels formés librement imposeraient à leurs membres. On peut citer comme

  1. V. the Economist du 20 juillet 1889.