Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

et le progrès exige que le producteur incapable soit éliminé par le producteur le plus capable. C’est là un combat pour la vie parfaitement légitime.

Il faut seulement que ce combat soit loyal ; or, il est souvent vicié par des manœuvres et des fraudes qui font succomber l’homme honnête sous le coup de rivaux moins scrupuleux.

Parmi ces manœuvres, la plus ancienne est la constitution de monopoles artificiels par la coalition des détenteurs d’une marchandise, l’accaparement exercé par les plus forts. Nous en parlerons plus loin avec le développement qu’exige un sujet si complexe (chap. viii).

Une autre pratique est l’élimination des concurrents en vendant au-dessous du prix normal pendant un certain temps, dans le but de relever ensuite les prix. C’est ce que les Anglais appellent underselling. En France, on reproche à la Société de graineterie française d’user de ce procédé sur les marchés de l’Ouest pour décourager les propriétaires qui voudraient soumissionner aux adjudications. Quand ils se présentent, elle fait des rabais énormes, sûre de se rattrapper sur les autres adjudications d’où elle a, précisément par ces manœuvres, écarté à l’avance toute concurrence. Ces procédés soulèvent l’indignation publique[1]. Et cependant nous les avons vu employer spontanément, et presque inconsciemment, par de petits industriels et des marchands, d’ailleurs excellents chrétiens, vis-à-vis de plus petits qu’eux.

Cette pratique paraît à première vue contraire à la morale,

  1. V sur la Graineterie française l’interpellation de M. René Brice à la Chambre des députés le 29 octobre 1887. A cette date, le xixe siècle a publié des renseignements d’après lesquels cette société aurait été fondée en 1871 au capital de 10 millions, par deux individus d’origine allemande, qui faisaient auparavant le commerce des fourrages l’un à Tours, l’autre à Metz. Elle a sa maison principale dans un port de la Baltique, à Libau, en Courlande. V. aussi la Réforme sociale de 1889, t. I, pp. 274 et suiv.