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difficultés des règlements judiciaires à l’étranger, complication et haut prix des changes, mais aussi exploitation du producteur local et rançonnement du consommateur, tel est le tableau du commerce d’il y a cent ans. Voici notamment ce qu’il était dans les pays méridionaux de l’Europe :

Comme l’argent y est rare, spécialement parmi les paysans et les fermiers de la campagne, les riches particuliers qui possèdent quelques capitaux ont les plus belles occasions d’en tirer un bon parti, en avançant des sommes, avant le temps des récoltes, aux paysans qui très souvent sont dans le besoin. Dans ces conjonctures, le capitaliste fait presque toujours la loi à l’emprunteur, qui s’engage de rembourser la somme qu’on lui avance en denrées ou marchandises de la récolte prochaine. Les vins, les huiles, les blés, la soie et d’autres pareils articles sont ordinairement les objets sur lesquels les capitalistes dans ces pays font leurs spéculations. Il n’y a point d’année qu’ils n’en retirent un bénéfice au moins honnête et il arrive fréquemment qu’ils font des profits considérables. On en sera peu surpris, si l’on fait attention que les capitalistes, en avançant leur argent aux paysans, stipulent expressément dans leurs conventions que la valeur leur en sera délivrée en marchandises au prix qu’on spécifie, qui presque toujours est fort au-dessous de ce que ces marchandises vaudront probablement au temps de la récolte, quand même elle serait abondante. On voit dans ces sortes de spéculations des exemples de bénéfices de 30 et même 100 p. 100 ; les plus ordinaires sont depuis 10 jusqu’à 30 et même 50 p. 100. C’est principalement dans les pays méridionaux, comme dans l’Andalousie, la Catalogne et le royaume de Valence, en Espagne, dans la Provence, le Languedoc, la Bourgogne, la Champagne et quelques autres provinces de France, dans le Piémont et d’autres pays en Italie, que ce commerce se fait avec le plus d’avantage pour ceux qui s’y livrent avec une sage circonspection. Il y a dans ces différents pays beaucoup de négociants étrangers qui s’y sont établis, afin d’y faire le commerce de commission et de spéculation en même temps, en achetant soit aux habitants même de la campagne, soit à de riches particuliers qui ont acheté de ceux-ci les fruits de la récolte, les articles qu’il leur faut pour envoyer à leurs amis dans l’étranger.

On retrouve encore aujourd’hui quelques traits des anciennes conditions du commerce dans le marchand, qui achète