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1° Le commerçant trouve son gain dans l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente. Il réalise souvent des profits, même quand ses prix d’achat ne sont pas rémunérateurs pour le producteur ou quand ses prix de vente sont très durs pour le consommateur. Les années de disette étaient autrefois les belles années du commerce maritime dans la Méditerranée. L’intérêt immédiat du commerçant n’est donc pas aussi étroitement lié que celui de l’agriculteur ou du manufacturier à l’intérêt général. Des intermédiaires peuvent élever de grandes fortunes dans les époques de calamité publique, notamment pendant les guerres. C’est seulement sur une période d’une certaine durée que se manifeste l’identité d’intérêts des trois grandes branches du travail humain.

2° Le marchand de profession, qui achète seulement en vue du profit qu’il retirera de la vente, a un avantage marqué sur le producteur isolé, agriculteur ou artisan, qui est généralement obligé de vendre immédiatement. Il est d’ailleurs le seul des deux contractants à connaître l’état du marché et son opinion fait, en réalité, les prix. Cet avantage est très marqué là où le commerce se fait sous la forme de troc. Le marchand européen, qui se procure une dent d’ivoire en donnant au noir d’Afrique une pièce de cotonnade bariolée, profite évidemment d’une différence de valeur réelle suivant les lieux. Mais il y a autre chose dans cette transaction : le prix monte pour l’acquéreur en raison de l’utilité subjective, du plaisir qu’il retirera de la possession de la cotonnade et cette pièce de cotonnade est la seule que de longtemps il ait l’occasion d’acquérir. Le marchand, au contraire, est influencé uniquement par la valeur en échange courante qu’a la cotonnade au lieu de production et par le prix qu’il peut retirer en Europe de la dent d’ivoire. De là l’énormité de ses profits[1].

Par la force des choses, le commerce, dans l’antiquité,

  1. Ces phénomènes ont été pour la première fois très bien analysés par Cunningham, Growth of English commerce and industry, p. 62-66.