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En Italie, où il n’existe pas de taxe du blé, on souffre rarement de la disette, et le blé est presque toujours à plus bas prix qu’en Espagne, où ce sont les prétentions des vendeurs qui ont forcé d’établir la taxe. Celle-ci, en effet, devient plus nécessaire lorsqu’il y a lieu de craindre qu’il ne s’établisse des monopoles, c’est-à-dire plus ordinairement là où il ne se trouve qu’un petit nombre de marchands, surtout pour les objets de première nécessité. L’obligation de passer par leurs mains contraint les acheteurs de subir leurs exigences ; tandis que si les vendeurs sont nombreux, ils s’entendent plus difficilement pour hausser les prix. Il s’établit alors entre eux une concurrence à qui écoulera le plus promptement ses marchandises en alléchant les acheteurs par des prix plus doux.

Après ces grandes leçons de l’expérience, comment un théologien allemand contemporain, le Père Lehmkuhl, peut-il exprimer le vœu d’une taxation universelle des salaires et des produits[1] ?

VI. — Pour que le jeu de l’offre et de la demande soit un mode légitime de détermination des prix, — et là où il est possible, il est le seul légitime[2], — il faut un certain nombre de conditions économiques : amplitude du marché, connaissance de la chose objet du contrat chez les parties, liberté de leur part ; en un mot, il faut que la concurrence existe en fait comme en droit. Là où elle ne peut se produire, le législateur est obligé, même de nos jours, d’en revenir aux taxations de prix pour empêcher les abus du monopole (§11).

Ces conditions n’ont pas toujours existé. Ne pas tenir compte de ce fait quand on juge le passé est aussi injuste qu’il est absurde de prétendre en faire revivre les institutions, d’ailleurs fort imparfaites, dans un milieu complètement différent.

Là est l’explication des préventions contre la profession

  1. Nous citons textuellement : « At quoniam privata æmulatione ad justos limites adduci multa nequeunt, ne læsione sive justitiæ sive caritatis omnia scateant, nostris temporibus atque inter nostrorum temporum conditiones vix non necessarium est sive pretium rerum sive mercedem operariorum publica lege regi saltem, si nequeat plane determinari. » Theologia moralis (3e édit. Freiburg, Herder), t. I, p. 715.
  2. V. la remarque, citée plus haut, de Ballerini-Palmieri et surtout, t. III, p. 671, la critique d’une décision de Lugo reconnaissant aux princes le droit de transférer le domaine par des fixations légales de prix au-dessous de la valeur réelle des marchandises.