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insistent pour que, tout en combattant les monopoles, on ne cherche pas à empêcher les différences normales de prix qui peuvent se produire selon les temps, les lieux et les personnes[1].

Au siècle suivant, un progrès ultérieur dans la doctrine se réalise. Médina, célèbre théologien espagnol, reconnaît expressément en 1513 que les prix des marchandises peuvent être légitimement fixés par le jeu des offres et des demandes[2]. Les abus résultant des fixations officielles des prix, qui la plupart du temps prétendaient imposer des salaires trop bas aux ouvriers et des prix au-dessous du cours aux marchands, faisaient naître, au point de vue même de la conscience, des difficultés dont les écrivains engagés dans les anciennes idées ne savaient se tirer. Molina citait en 1591 les maux de toute sorte occasionnés en Portugal par la taxation des prix et leur inefficacité pratique[3]. Enfin le cardinal de Lugo, qui avait été appelé d’Espagne pour succéder à Suarez au Collège romain, se demande, dans son fameux traité de Justifia et Jure, s’il vaut mieux fixer le prix des denrées par une loi ou un décret du magistrat, ou bien l’abandonner à l’appréciation mobile des hommes, c’est-à-dire aux fluctuations du marché : Dubitari solet an expediat magis quod pretia rerum lege taxentur vel magistratus decreto, quam quod incertœ et variabili hominum œstimationi relinquantur (t. I, disp. XXVI, sect. IV, n° 50), et après avoir rapporté les avis des auteurs, il s’exprime ainsi : cette question regarde plutôt les politiques que les théologiens, et il y a de part et d’autre des raisons et des difficultés. » Il fait ressortir l’inconvénient spécial résultant d’une taxe uniforme pour des marchandises qui, bien que de même espèce, présentent nécessairement des différences dans la qualité, telles que les étoffes, l’huile, le vin, le blé. Puis il continue en faisant ainsi appel à son expérience personnelle :

  1. Cités par M. Brants, les Débuts de la science économique, p. 62.
  2. De Restitutione et contractibus, cité par Scaccia, Tractatus, p. 120, n° 65.
  3. Molina, Disputationes de Justitia et Jure, nos 364 et 365.