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Paul :non omne quod licet honestum est[1] et avec Cicéron : ita nec ut emat melius nec ut vendat, quidquam simulabit aut dissimulabit vir bonus[2].

La dissimulation par le vendeur des vices de la chose, s’ils sont cachés, ou si, par sa position professionnelle de marchand, il est seul en état de les connaitre, est contraire à la morale[3]. La loi civile n’a pu faire de ce principe qu’une application assez restreinte aux vices rédhibitoires. Des lois récentes dans tous les pays ont réprimé, même par des peines correctionnelles, les simples tromperies et appellations mensongères données à des produits d’un usage général, sur lesquels la fraude est particulièrement dangereuse pour la santé ou pour la production, tels que les vins, les beurres, les engrais[4]. Ces fraudes, en effet, ont pris de nos jours une redoutable extension en proportion même des progrès de la chimie et de la plus grande capacité professionnelle des producteurs[5]

  1. Paul, au Dig., de Regulis juris, fr. 144. Cicéron, de Officiis, lib. III, c. 15. On impute habituellement aux jurisconsultes romains d’autoriser la fraude dans les marchés en alléguant le passage suivant de Paul : Quemadmodum in emendo et vendendo naturaliter concessum est quod pluris sit minoris emere quod minoris sit pluris vendere et invicem se circunscribere. (Dig., locati conducti, fr. 22, § 2.) M. Francis de Monge, dans ses savantes leçons sur les Pandectes, à l’Université de Louvain, a montré que le sens de ce passage est déterminé par un fragment d’Ulpien rapportant une opinion de Pomponius : In pretio emptionis et venditionis naturaliter licere contrahentibus se circumvenire (Dig., de Minoribus, fr. 16, § 4) : il signifie seulement que la lésion sur le prix n’était pas, aux yeux des jurisconsultes romains de l’époque classique, une cause de rescision des contrats. Nous indiquons un peu plus loin dans le texte (§ 4) la raison de cette différence.
  2. Encore faut-il, pour entraîner l’obligation de restitution, même dans le for de la conscience, que ces mensonges aient été la cause du contrat et aient porté tort à l’acheteur. C’est ainsi que Ballerini, s’appuyant sur Molina, dit : « Si vero mendacia et doli non induxerunt ad contrahendum, quia alter fidem non adhibuit, sciens hanc esse consuetudinem celebrantium similes contractus… Sæpe mercatores, mentientes ac juramento affirmantes vel rem plus valere vel carius se eam emisse ac multa alia, contingentes tam ut vendant aut carius vendant quam ut emant aut vilius emant, excusabuntur ab onere rescindendi hujus modi contractus, tum etiam a restitutione partis ejus pretii quod ita acceperunt ad limites usque justi pretii rigorosi. » (Opus theologicum morale, t. III, p. 520.)
  3. S. Thomas, Summa theolog., 2a 2æ, quæstio 77, art. 2 et 3.
  4. V. les lois françaises des 27 juillet 1869, 14 mars 1887, 4 février 1888, 13 juillet 1889, 11 juillet 1891.
  5. Comme il ne faut rien exagérer, on doit tenir compte des usages commerciaux. S. Antonin de Florence a prévu, au xve siècle, un cas qui se présente fréquemment de nos jours : « Cum aliqui sophisticant ea quæ vendunt, ut se