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Quant à l’erreur seule, isolée des manœuvres qui ont pu la déterminer, elle n’est une cause de nullité des contrats que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet (art. 1110 du Code civil) ; dans ces conditions, elle est rarement invocable. Mais le dol, qui produit l’erreur, et la tromperie sur la qualité de la marchandise vendue sont d’autant plus fréquents que le commerce s’étend et que la moralité positive diminue (chap. xiii, § 4).

Les jurisconsultes romains se préoccupèrent de bonne heure de la répression du dol. Ils ont poursuivi le dol d’abord dans les contrats dits du droit des gens, dans les formules desquels ils introduisirent les clauses exigeant la bonne foi, ex fide bona, œquius melius, in fiducia, ut inter bonos bene agier ; puis le préteur Aquilius Gallus créa l’action de dolo malo, où Cicéron pouvait voir à juste titre l’everriculum malitiarum omnium. En effet, d’après Labéon, il faut entendre par dol omnem calliditatem, fallaciam, machinationem ad circumveniendum, fallendum, decipiendum alterum adhibitum, ce que Domat traduit : « toute surprise, fraude, finesse, feintise et autre mauvaise voye pour tromper quelqu’un ; » en sorte que, suivant un autre jurisconsulte, le juge peut atteindre tout acte perpétré per occasionem civilis juris contra naturalem œquitatem[1].

Le droit canonique et les législations modernes n’ont eu sous ce rapport qu’à suivre la jurisprudence romaine. Les jurisconsultes durent veiller à ce que l’on n’abusât pas des rescisions offertes par cette exception. Ils déclarèrent que les tromperies, qui n’avaient pas été la cause déterminante pour laquelle on avait contracté, n’entraîneraient point la nullité du contrat, afin de maintenir la stabilité des conventions. La conscience, dans la condamnation des mensonges et tromperies, va naturellement plus loin que la jurisprudence civile. Il faut, dans cet ordre d’idées, redire avec le jurisconsulte

  1. Cicéron, de Officiis, lib. III, c. 14, 15. Digeste, De dolo malo, fr. 1, §2. Domat, Lois civiles, liv. I, titre 18, § 3. Dig., De doli mali et metus exceptione, fr. 1, §l.